Savez-vous ce que c'est qu'une vie pour rien ?
Une vie où tous les rendez-vous se sont cassé la gueule sur des quiproquos, des erreurs de standardistes, de faux horaires de trains. Vies-impasses et joyeux gogos du cul-de-sac, avec flics casqués qui barrent l'unique issue, entrées d'immeubles bouclées et des bourgeois aux fenêtres qui bouffent des biscuits.
Vous gueulez tout au fond de votre tête des appels de vie.
JE VEUX ETRE. Regardez-moi. J'existe.
Mais vous ne savez rien de tout cela parce que sur vos agendas il y a des noms, des adresses, des épancheuses de mélancolie, et vous ne saurez jamais l'angoisse d'être différent. Fumez un cigare de Cuba et dites-vous bien que nos vies sont des cartes postales. Sans plus.
Cinq mots, tout va bien, baisers, salut.
Dans les rues qui vont des aéroports aux arcs de triomphe, il y a des fumées d'encens.La vie est à ceux qui savent engouffrer les mots du langage dans des regards simples. Respirer. Toucher.
Il ne faudrait surtout plus avoir peur d'aller dans des maisons inconnues et monter des centaines d'étages de misère ensemble. Ensemble, savez-vous ce que ça signifie ? " Nous avons miséré ENSEMBLE et je l'aime ", c'est ce que disait un vieux type aux cheveux de la guerre d'avant. Et il faut que nous misérions ensemble dans des ascenseurs quotidiens.
Si un jour il n'y avait pus de mots construits, que toutes les langues d'hommes pourrissent au fond des bouches, derrière des bâillons noirs d'oppression, il faudrait bien inventer des langages de peau et des messages codés du regard. Les yeux ne sont pas faits pour recevoir des arcs-en-ciel et des bouts de pellicules en Eastmancolor,il faut dès à présent leur apprendre à émettre de longues lettres de bienvenue.
Respirer. Regarder. Respirer. Regarder.
Dans les souterrains qui relient les maisons aux autres maisons, il y a des fleurs de coca qui pétillent sur des escalators et si d'un gouvernement à un autre gouvernement nous n'avons pas pris le temps de transformer notre façon de tendre la main, c'est qu'un autre gouvernement ne peut rien pour nous et qu'il n'était pas aussi important que cela qu'il ait changé.
Inventons des connivences.
Ecoutons. Respirons.
Respirons avant que l'air ne soit coupé et qu'ils débarquent nous ramasser étendus et blancs au pied de nos électrophones.
Ils sont maîtres de tout.
Le fric maîtrise l'oxygène.
Inventons des gaz de pensée et branchons nos bouches sur d'autres bouches. Il est urgent d'inventer des nouvelles recettes de vie qui échappent aux cartes perforées de la police d'Etat.
Il faudra alors marcher inlassablement, bras tendus vers d'autres corps, bras ouverts, et intercepter tous ces obus d'hommes tombés des gratte-ciel de Montparnasse.
Yves simon