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Maria Callas

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Faut-il parler d'un livre auquel on a contribué ? Sûrement pas: connivence des médias et des pouvoirs, on pourrait crier "au loup": les chiens de garde sont là. Et pourtant... on assume ! Etre journaliste et auteur, c'est pareil. Choisir de parler d'un livre qu'on a aimé, ou choisir de contribuer à un projet qui nous tient à coeur... c'est pareil. J'aurais parlé de ce livre sans y avoir contribué. Pourquoi devrais-je me priver d'en parler parce que j'ai signé un texte ? Alors voilà: le 16 septembre 1977, Maria Callas nous quittait. Trente ans déjà que la divine nous manque. YB Edition rend hommage à la "prima donna" à travers les images d'une vie hors du commun.
Maria Callas. "La" Callas. La Voix. La Grecque. La Divine. Elle a révolutionné l'opéra en remettant à la mode un art qu'elle disait "mort", elle a défrayé la chronique avec des caprices de stars souvent inventés, elle a fasciné le monde entier, à la ville comme à la scène, entourée des décors de Visconti à l'opéra ou du bras d'Onassis sur le Christina...
Nous pourrions vous parler de son enfance, de la guerre, d'une mère qui attendait un fils, et qui venait d'en perdre un. Nous pourrions vous parler de son premier mari et manager, Battista, qui l'a volée jusqu'après sa mort. Nous pourrions vous parler de sa solitude, la solitude dans la carrière, la solitude dans le chant, la solitude de l'amour aussi, car Aristote Onassis a été l'unique amour de sa vie, et Aristote Onassis n'a jamais été à elle, puisqu'il ne l'a jamais épousée, et puisqu'il a préféré se marier à la veuve de John Fitzgerald Kennedy. Maria Callas est une femme seule. Dans sa vie, il y a eu des chefs d'orchestres et des professeurs de chant, Serafin, Hidalgo, puis il y a eu deux domestiques, toujours fidèles, jusqu'au dernier souffle. Il y a eu aussi beaucoup d'opportunistes et de voleurs, de menteurs et de menteuses... évidemment. Mais peu importe après tout les fantômes et les passants: sa vie, c'est la scène. L'opéra. L'art dramatique. Le contact avec un public. Nous ne vous parlerons pas de sa vie, nous voulons juste vous parler d'un livre.
Sur La Callas, la littérature française est décevante. Il y a le Chapsal, très bien écrit et trop court, il y a des biographies "qui valent ce qu'elles valent", et il y a ses cours de chant, retranscrits par John Ardouin, un vrai fidèle. Un beau livre n'a rien à voir avec de la littérature. Le seul point commun, c'est l'hommage. Et "Maria Callas, les images d'une vie" est l'un des plus beaux hommages que l'on ait fait à la Prima Donna.
Premier ouvrage photo à couvrir l'ensemble de sa vie, le livre comprend 160 photos, dont plus de la moitié sont inédites: c'était déjà le propre de PHYB Edition, les inédits. Rebaptisée YB Editions, la maison n'a pas changé. Il y a toujours cet amour de la photo, cette curiosité pour un être, pour l'histoire, cette volonté d'exactitude, ce souci de l'esthétique... dans la qualité de la maquette et jusqu'au bout des grammes de papier, on n'est pas déçu. Un livre de photo, c'est un "coffee table book" mais ça peut aussi être un livre d'histoire, à condition qu'on soit perfectionniste. Un livre actuel. Alors on fouille, on y passe du temps, comme les enquêteurs et les historiens, et on finit par trouver des trésors. Et pas n'importe lesquels: l'éditeur est allé fouiller dans les fonds d'archives, dans les agences photos bien sûr mais aussi chez EMI Classics, qui a collaboré avec plaisir, tout comme le Maria Callas International Club, qui réunit les plus grands spécialistes de La Callas... Comme d'habitude, le résultat est réussi.
Maria Callas se révèle sublime et fascinante, aussi fragile à la ville qu'elle est solide à la scène, aussi belle au naturel qu'étrange sous ses maquillages. En Norma, en Médée, en somnambule, en Italie, en Grèce, en France, aux Etats-Unis: la vie de la Callas est un tour du monde. Catherine Clément a raison: "chanter l'opéra, c'est vouloir mourir". C'est sans doute pour cela que les images de cette vie là nous laissent sur un enchantement amer: la Divine n'a pas seulement disparu à la scène. Sa présence nous transportait, sa voix nous trouble encore. Désormais, ces images nous permettront de la retrouver: sous un autre jour.
A noter...
"Maria Callas, les images d'une vie"
YB Editions
260 pages
Sortie le 3 septembre 2007
39,95 euros
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Celle que l’on n’attendait pas : d’Athènes à New York
« La plus belle voix du siècle est née américaine, à New York, le 2 décembre 1923. » Anachronique cette phrase ? Que pouvait-on savoir alors du destin de ce bébé de 4,7 kilos ? Quand Mary Ann, qui n’est pas encore Maria, voit le jour, sa mère Evangélia Kalogeropoulos, née Dimitriadis, ne l’accueille pas de bon cœur. Le génie n’est pas apparu ex-nihilo, la naissance non plus et… « ce fut une naissance curieuse » …
Evangélia, issue de la haute bourgeoisie grecque, rencontre George Kalogeropoulos en 1916. George est issu d’une famille pauvre, et bien qu’il ait quinze ans de plus qu’Evangélia, c’est un homme séduisant. Ils se sont connus à Athènes, peu avant la mort du père d’Evangélia. George est pharmacien, il est séduit par cette jeune femme de dix-sept ans, de bonne famille qui plus est. Celle que l’on surnomme Litza est charmée par un physique fringant et de jolis yeux bruns qui lui font miroiter un avenir confortable. Malgré les réticences de ses frères, Evangélia épouse George dans l’année. La famille Dimitriadis est composée de musiciens, d’officiers et d’hommes politiques mais elle est n’est plus fortunée. Il ne faudra que peu de temps à Evangélia pour s’apercevoir que son mari ne l’est pas non plus. Très vite, elle est déçue par ce petit appartement de deux étages, où le couple s’installe, au dessus de la pharmacie de George, unique pharmacie de Meligala, petite ville du Péloponnèse. Elle réalise qu’ils ne sont pas du même monde, et elle ne voit plus le charisme de son époux du même œil. Moins d’un an après leur mariage, le 4 juin 1917, Evangélia accouche de son premier enfant à Athènes. Cynthia, dite Jackie, « exauce le rêve maternel par sa blondeur, sa fraîcheur et une sveltesse qu’elle gardera toute sa vie » . Trois ans plus tard, elle est vraiment comblée : Vasily voit le jour le 27 juin 1920. Ce « petit chérubin blond et bleu » console un mariage qu’elle considère désormais comme un échec. George fait les yeux doux à ses clientes et travaille beaucoup. Il est fidèle pourtant mais trop absent. Le fils tant attendu remporte toutes les attentions de cette mère méditerranéenne, qui n’est désormais liée à son époux que par ses enfants. Elle qui se voyait sur scène et qui se targue d’appartenir à une famille cultivée imagine déjà que Vasily sera poète ou musicien. A trois ans, il lit, chantonne et pianote sur l’instrument chéri d’Evangélia. Mais l’enfant adoré est prématurément emporté, en une semaine, par une méningite. « La maison se transforme en une caverne obscure plongée dans le deuil. Evangélia sombre dans la dépression (…) » Evidemment, quand elle apprend qu’elle est de nouveau enceinte quelques mois plus tard, elle imagine déjà un autre fils, pour lequel elle entend immédiatement retourner à Athènes, où la vie est bien plus riche. Pour George, il n’en est pas question. Le couple va de disputes en larmes et de guerres en insultes. Evangélia est enceinte depuis cinq mois quand son mari lui annonce qu’il vient de vendre sa pharmacie afin d’émigrer à New York : malgré l’incompréhension et les résistances d’Evangélia, ils embarquent trois semaines plus tard avec Jackie à bord d’un navire en partance pour l’Amérique. qu’ils occupent en première classe.
Ils arrivent en août 1923 et sont accueillis par le Dr Lantzounis, un ami que George avait connu à l’université. Devenu chirurgien, celui-ci est installé à New York depuis un an et a trouvé à George un emploi de vendeur en pharmacie, afin qu’il puisse nourrir sa famille le temps d’obtenir l’autorisation d’exercer son métier aux Etats-Unis. Les Kalogeropoulos emménagent à Astoria, rejoignant une population new-yorkaise composée aux trois-quarts d’émigrants, dont vingt-trois mille Grecs. Evangélia ne cesse de rappeler à sa fille qu’elle est issue d’une famille réputée à Athènes. Durant le voyage, elle lui interdit de parler aux enfants qui ne sont pas en première classe. Immédiatement, George s’intègre et apprend l’anglais tandis que sa femme ne se fera jamais à sa condition d’émigrée. La grossesse d’Evangélia n’a pas été de tout repos : de la dépression elle est passée à la fureur et, si elle suit son mari, c’est surtout parce que ce « fils » attendu a besoin d’un père, comme Jackie, qui a à présent six ans. Après de longues journées de travail, alourdies par de fatigants trajets, George doit subir quotidiennement les plaintes de sa femme, humiliée d’habiter un quartier du Queens où elle doit cohabiter avec des ouvriers, qu’elle méprise. C’est dans ce contexte, quatre mois après son arrivée en Amérique, que le Dr Lantzounis accompagne Evangélia au Flower Hospital, situé sur la Cinquième Avenue. Ce 2 décembre 1923, il neige, le ciel est gris, plombé. Elle parle du fils qu’elle attend et qui va pouvoir porter les layettes bleues qu’elle a tricotées ces derniers mois. Le petit frère de Jackie s’appellera Petros, en hommage au père d’Evangélia, mort avant son mariage. Quand l’infirmière lui tend « une grosse brune de cinq kilos» , Evangélia répond : « Emportez-là ». Ce n’est que quatre jours plus tard qu’elle donnera un prénom à cet enfant : Mary Ann. Elle est nourrie à contrecœur par une mère qui pleure souvent et qui prétendra que son dernier enfant est né le 4 décembre après deux jours de souffrances .
Maria est baptisée Anna Cécilia Sophia Maria Callas à l’âge de trois ans, à l’église orthodoxe grecque Holy Trinity. Maria et Jackie parlent anglais. Elles portent des lunettes toutes les deux depuis l’âge de cinq ans et subissent la mésentente de leurs parents assortie de la dépression de leur mère. Depuis que George a offert un pianola à Evangélia grâce aux cours de grec qu’il donne le dimanche, Maria est fascinée par l’instrument, seul source de gaieté du foyer avec les disques de Bellini et de Verdi, bientôt rejoints par Puccini. George rentre tard, Evangélia imagine qu’il la trompe et monte les enfants contre lui. A la suite du krach de 29, la famille doit déménager : ils se retrouvent à la frontière du quartier dit « nègre » de Harlem, ce qui finit de déprimer Evangélia, qui lit les journaux grecs tandis que son mari s’américanise. George demande la nationalité américaine et change leur nom de famille : Kalogeropoulos serait trop difficile à prononcer pour ses clients. Maria ne parvient pas à obtenir l’amour de sa mère et souffre des absences de son père, qui est plus chaleureux. « Je n’ai pas eu d’enfance, dira-t-elle plus tard. Ma mère ne me comprenait pas et mon père ne pouvait pas m’aider. » Elle se réfugie dans l’affection de Jackie, qui l’aime beaucoup. Maria est une enfant solitaire. Elle passe de longues heures seules, elle est très ronde, timide et maladroite à l’école, en partie à cause de sa très mauvaise vue.
A sept ans, elle commence à chanter sur les disques : étrangement, on dirait qu’elle comprend les paroles alors qu’elle ne connaît pas la langue de l’opéra. Soudainement, Evangélia s’intéresse à elle : dans les années 1920 et 1930, les enfants prodiges sont susceptibles de rapporter gros à leurs parents. Elle emmène donc ses filles écouter des disques tous les dimanches à la bibliothèque et fait chanter Maria sans cesse, forçant sa voix de manière inconsidérée. Maria s’exécute, accompagnée par sa mère au piano. Elle chante pour la première fois en public à l’école de Washington Heights : elle n’a que dix ans et interprète l’Ave Maria de Gounod et la Habanera de Carmen. John Eriksen, membre des chœurs du Metropolitan Opera, l’entend chanter grâce à une fenêtre ouverte et propose de lui donner des cours gratuitement. Ce premier professeur a sans doute évité à Maria qu’Evangélia ne lui endommage définitivement sa voix. Alors qu’elle commence à ouvrir sa voix et à élargir son registre, elle se laisse traîner par sa mère au Major Bowes Amateur Hour, le radio crochet le plus écouté des Etats-Unis. Accompagnée par Jackie au piano, elle chante A Heart that’s free du haut de ses onze ans et obtient la deuxième place. A douze ans, elle participe au Mikado de Guilbert et Sullivan monté par son école puis chante Je suis Titiana à la remise des diplômes. Convaincue que Maria a besoin d’une éducation musicale qu’elle ne peut acquérir qu’en Grèce, Evangélia envoie d’abord Jackie à Athènes en empruntant de l’argent au Dr Lantzounis et malgré tous les efforts de George pour garder Maria à New York, sa femme rejoint son aînée avec sa cadette en janvier 1937. Maria est déchirée d’avoir été arrachée à son père. A bord du Saturnia en partance pour la Grèce, elle interprète la Habanera, toujours forcée par une Evangélia bien moins timide que sa fille. « Maria ne se sentait pas belle, entre autre car sa sœur était ravissante, et l’est d’ailleurs restée toute sa vie. Elle mangeait beaucoup de sucreries et alors même qu’elle détestait se regarder dans le miroir, sa mère lui demandait de chanter en public. Je pense que c’est là qu’est née La Callas : elle a dû inventer une autre personnalité sur scène. Un masque en somme. »
« L’impact dramatique » d’Athènes : apprentissage et vedettariat
Arrivée à Athènes, la famille s’entasse dans une villa modeste. Evangélia est convaincue que Maria va les sortir de cette précarité : il faut la faire entrer au Conservatoire national ou au Conservatoire d’Athènes. Maria est terrifiée par cette ville inconnue et très attristée d’avoir été arrachée à son père. Elle ne se rebelle pas devant les exigences et les humiliations de sa mère : elle veut atteindre son but et a hâte de « voler de ses propres ailes » . En septembre 1937, six mois après leur arrivée en Grèce, Evangélia apprend grâce à son frère qu’une taverne du nord de la capitale est fréquentée par des agents et des découvreurs de talents. L’entrée est interdite aux mineurs mais grâce aux efforts de sa mère et à la stature de Maria, celle-ci a l’air d’une femme. Poussée par Evangélia sur l’estrade, elle entame La Paloma, accompagnée par Jackie au piano. Le silence se fait. Puis on lui réclame une autre chanson : elle chante A Heart thats’s free et est vivement applaudie. Zanis Cambanis, jeune ténor de l’Opéra d’Athènes et élève au Conservatoire national, vient la féliciter : il parlera d’elle à son professeur, qui n’est autre que la très réputée Maria Trivella. Evangélia continue de se démener et c’est grâce à son frère que Trivella reçoit Maria pour une audition. Cette dernière est terriblement stressée mais son interprétation de La Habanera conquiert Trivella : celle-ci est « sidérée, non pas tant par la voix de l’adolescente que par son sens dramatique, sa faculté, semble-t-il, à comprendre la passion de Carmen. Tout de suite, elle détecte ses possibilités. » Elle est conquise et « accepte de lui donner des leçons gratuites » confie Cabanis . Mais de toutes façons, Evangélia falsifie la date de naissance de sa fille sur ses papiers afin qu’elle puisse obtenir une bourse et bénéficier gratuitement de l’enseignement de Trivella au Conservatoire national.
Ici commencent de longues années d’apprentissage, un travail intense et ardu dans lequel Maria se jette à corps perdu. Elle passe beaucoup de temps Trivella et dort souvent chez elle, tant pour gagner du temps de travail que pour fuir sa mère dans les jupons d’une professeur qu’elle adore. Les heurts entre Trivella et Evangélia ne tardent pas. Maria assiste à son premier opéra : devant la Traviata, elle s’imagine déjà en Violetta. De son côté, Jackie fréquente Milton Embiricos, fils aîné d’une famille d’armateurs connus. C’est grâce à lui que Evangélia tient à ce que son aînée parle à Milton de leurs problèmes financiers et lui demande un emprunt. Après les refus de Jackie, elle parvient à ses fins. Jackie devient alors la maîtresse officielle de Milton, ce qui supprime toute chance de l’épouser : « Maria avait la voix, j’avais été vendue en contrepartie » dira Jackie plus tard. Maria pense que l’argent vient de son père et quand elle apprend la vérité, quelque chose se casse dans sa relation avec Jackie et elle en veut énormément à sa mère. Maintenant que le garde manger est rempli, Maria compense en dévorant à l’abri des regards : un an plus tard, elle est énorme. En 1938, elle donne sa première représentation à la salle Parnasse d’Athènes : elle n’a que quatorze ans mais elle est à la hauteur du programme exigeant monté par Maria Trivella. « J’ai soudain compris que les choses ne seraient plus jamais pareilles », confie Jackie, bouleversée par les applaudissements réservés au salut de sa soeur. Quelques mois plus tard, elle est Santuzza dans Cavalleria Rusticana de Mascagni. Elle a déjà une « grande voix » selon Cambanis mais c’est la manière dont elle traduit les émotions et son « impact dramatique » qui impressionnent le plus.
1939 réserve les bouleversements de la guerre : Trivella, qui est italienne, est en danger. Maria souhaite lui rester fidèle mais son professeur ne veut pas lui porter ombrage et de toutes façons, Evangélia tire une fois de plus les ficelles : il est temps de la faire entrer au conservatoire d’Athènes où enseigne la célèbre Elvira de Hidalgo. Evangélia prétend qu’elle lui a obtenu une audition : en réalité, la réputation de sa fille l’a précédée. Devant les 90 kilos de Maria, qui ne mesure qu’un mètre soixante-cinq, Elvira avouera plus tard qu’elle a d’abord trouvé ridicule que cette jeune fille veuille devenir cantatrice. Mais quand Maria commence à chanter , Hidalgo est prise au dépourvu : « sa technique vocale était loin d’être parfaite mais sa voix possédait un sens dramatique inné, une musicalité et une individualité qui m’ont tout de suite émue rapportera-t-elle. J’ai même versé une ou deux larmes et je me suis détournée pour qu’elle ne me voie pas. J’ai tout de suite su que je serais son professeur et, quand j’ai regardé dans ses yeux magnifiques, je me suis dit qu’en dépit de tout le reste elle était belle. » Trivella lui manque mais Maria s’attache à Elvira de Hidalgo de la même façon. Elle est terriblement seule, ce que Hidalgo perçoit très bien. Elle croit avoir été rejetée par son père, sa sœur est avec Milton et à cause d’Evangélia, qui l’utilise et l’étouffe, elle ne voit plus sa grand-mère, qu’elle aime pourtant tendrement. Grâce à Hidalgo, Maria apprend toutes les subtilités du bel canto et tente enfin de modifier ses habitudes alimentaires et vestimentaires. Comme au conservatoire national, elle n’a pas d’amis mais c’est la plus habitée par son art. Tandis que Trivella considérait que Maria était une mezzo-soprano, Hidalgo va pousser la voix de cette dernière vers les notes les plus hautes des sopranos.
En 1940, elle est Angélique dans un opéra de Puccini. « Une performance saisissante. J’ai pleuré, j’ai vraiment pleuré », confiera Cambanis. Grâce à Bastias, le directeur du Théâtre Royal d’Art Dramatique, qui a assisté à la représentation, Maria gagne désormais 1500 drachmes (18 euros) par mois pour être choriste, tout en poursuivant ses études. Evangélia est aux anges. Maria est ensuite engagée par le théâtre national de la capitale afin de doubler une voix puis est distribuée dans le deuxième rôle féminin de Boccace en 1941. Sa voix se met à vibrer : prise de panique, Hidalgo la tient à l’écart de la scène quelques mois. Les années de guerre sont dures : Maria se dispute avec sa sœur, il est difficile de trouver de la nourriture et c’est de cette époque que date son épouvante de la nuit. L’occupation d’Athènes la marquera à jamais. La guerre impose des choix: il faut se produire pour l’ennemi ou ne pas se produire. A 18 ans, Maria, qui parle couramment allemand et italien, est la Tosca de l’Opéra d’Athènes aux côtés du plus célèbre ténor grec de l’époque. Malgré la standing ovation qui lui est réservée, elle est persuadée d’avoir été désastreuse. Pourtant, les critiques sont dithyrambiques : son interprétation est « un vrai miracle » note l’un, soulignant qu’elle a électrisé le public grâce à des « qualités innées ». L’union de sa voix et de son corps dans cette représentation a suffi à faire de Maria une vedette reconnue comme l’une des meilleures chanteuses grecques. Son salaire est doublé et elle sera à nouveau Tosca à Salonique en 1942, où elle chantera devant les troupes italiennes et allemandes, encore sous le nom de Maria Kalogeropoulos.
Cette première Tosca a éveillé l’attention : Maria fréquente le commandant Di Stazio, un officier de renseignements italien avec lequel elle a plus de vingt-cinq ans d’écart. Doté de bonnes manières, il est généreux et affectueux. Quand les Allemands se retrouvent maître d’Athènes, il se volatilise et le Conservatoire refuse de prolonger la bourse de Maria qui a chanté pour les ennemis. Hidalgo continue à lui donner des cours particulier et Maria se produit dans Tiefland aux côtés du baryton Mangliveras qui se prend d’affection pour elle. Son « instinct dramatique » est porté aux nues par la critique. Elle chante ensuite Casta diva, la célèbre aria de Norma, pour un concert bénévole, peu après avoir endossé à nouveau le rôle de Santuzza. A 21 ans, elle est Léonore dans Fidelio de Beethoven à l’Acropole d’Athènes : elle n’avait pas été choisie mais comme la première Leonore ne s’est pas révélée à la hauteur, Maria la remplace. Perfectionniste, elle demande davantage de temps et des répétitions supplémentaires : l’exigence paie puisqu’elle remporte un vif succès. Son image de collaboratrice est presque effacée. Sur le plan personnel, c’est une passe difficile : après la mort de sa grand-mère, qui l’affecte profondément, Maria pleure aussi Mangliveras, décédé d’une crise cardiaque. Elle tente d’écrire à son père, et voudrait revenir à New York mais la guerre civile éclate : elle reste prisonnière de son appartement avec sa mère pendant près d’un mois à cause de l’occupation. Grâce à Milton, qui parvient à envoyer un homme dans la zone occupée, les deux femmes s’enfuient vers l’hôtel de Jackie. En 1945, Maria est décidée à rentrer dans son pays natal. Bien qu’Evangélia et Hidalgo tiennent à ce qu’elle se rende en Italie pour embrasser sa carrière internationale, et bien que la lettre écrite à son père lui ait été retournée avec la mention « inconnue à cette adresse », Maria décide d’organiser un récital afin d’obtenir des fonds pour son voyage. Ce concert lui rapporte 100 dollars, la plus grosse somme dont elle n’ait jamais disposé. Après avoir incarné Laura dans l’Etudiant vagabond à l’opéra comique, elle embarque sur le Stockholm en partance pour sa ville natale.
Axelle Emden pour PHYB Editions (all rights reserved, 2007)
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Avec "Callas l'extrême", Madeleine Chapsal se propose de "suivre des yeux" la destinée de celle que le XXème siècle aura surnommé "La Voix". Il ne s'agit pas d'une biographie exhaustive, loin de là. Il ne s'agit pas non plus d'un roman. "Je suis loin d'être une musicologue avertie, nous confie Madeleine Chapsal dès les premières lignes, mais je crois pouvoir dire que je m'y connais un peu en vie de femmes." Faites-lui confiance: elle s'y connaît, autant en destinées féminines d'ailleurs, qu'en modestie choisie.
Chapsal est fan de Callas: de sa grandeur, de sa grâce et, de manière générale, du "miracle" qui touche certains êtres au point de nous les rendre divins. Pas question de parler de La Callas comme de n'importe qui: c'est un monstre sacré! Mais pourtant, c'est bien la femme, cet être torturé, cette enfant écorchée, cette... "artiste", que Madeleine Chapsal nous propose de découvrir sous un angle particulier: celui de l'extrémité, du "trop". Trop grosse, puis trop mince, trop jeune puis trop vieille, trop sage puis trop légère, trop de voix puis plus assez, Callas est passée par tous ces ressentis et a fini, comme tant d'autres, par se sentir "en trop". "En trop" comme le héros de "La Nausée", en trop comme cette existence qui est peut-être plus facile à jouer qu'à vivre... à condition de pouvoir la chanter et chanter, bientôt Maria Callas ne le pourra plus.
En lisant ces pages, on repense à la "Marie-Antoinette" de Zweig , à Marilyn aussi, à ces femmes adulées et laissées pour compte, ébréchées avant d'avoir eu la chance d'être solides, "fêlées" à la Fitzgerald, vulnérables, fragiles et pourtant intouchables, célèbres et seules. On pense à Barbara aussi, à ce travail acharné, à cette exigence, à cette passion du chant dont elle a dit qu'elle l'avait sortie de la mort, à ce "phrasé blessé derrière ce vibrato triomphant" (Jérôme Garcin) puis on pense à Barbara qui elle aussi est sans enfant, qui elle aussi a été quittée par le seul amour de sa vie, qui elle aussi a perdu sa voix, qui elle non plus, n'avait pas fait d'analyse. On pense au livre de Jérôme Garcin, "Claire de nuit", qui décidait de se pencher avec amour sur une femme exceptionnelle qu'il avait connue. On pense aux " Vilains petits canards" de Boris Cyrulnik , à ces grandes destinées tragiques retracées par la psychanalyste et philosophe Alice Miller car, évidemment, Maria Callas aurait sa place dans "La souffrance muette de l'enfant" et c'est l 'avenir dramatique d'un enfant doué qui l'attendait: celui d'une héroïne du tragique, d'une Antigone des temps modernes, une Antigone, toutefois, qui n'aura pas attendu de mourir pour entrer dans l'Histoire.
Comme on regrette que Madeleine Chapsal n'ait pas écrit mille pages sur La Callas: elle a, évidemment, cette plume vive, cette aisance de romancière qui est malheureusement étrangère à bien des biographes. Comme Decaux pour Hugo, elle a cette tendresse, cette mémoire vivante, cette reconnaissance à l'égard de quelqu'un qui lui a "juste" fait vivre tant d'émotions. Elle-même devient une enfant qui regarde cette femme avec de grands yeux, et entre les lignes, ou parfois même dans les lignes, on sent combien l'écrivain livre d'elle-même en marchant sur les pas d'une autre, "si seule, si aimée". On regrette qu'elle n'ait pas écrit mille pages sur La Callas car elle a ce phrasé de romancière et cette curiosité d'enfant qui surpasse tout travail journalistique: on voudrait lire davantage que ces petits bouts d'interviews de Patrick Dupond ou d'Yva Barthelemy; on voudrait qu'elle aille plus loin dans ce qu'elle livre d'un thème astral, comme Decaux se mouillait avec le spiritisme de Hugo; on voudrait qu'elle pousse ses intuitions analytiques à l'extrême et on aurait voulu, c'est vrai, qu'elle nous évite quelques "et si..." Alors, comme on ne saurait se contenter de ces 200 pages bues d'une traite, comme Maria Callas nous intrigue encore plus après ce livre qu'avant, alors nous sommes contraints de lire le "Maria Callas intime" d'Anne Edwards qui, lui, est exhaustif mais qui n'a ni la passion entre les lignes, ni le vibrato dans le verbe.
Axelle Emden
Extraits choisis...
"Ainsi celle qui avait chanté plus haut, plus fort, plus souvent que les autres que mieux valait mourir que vivre sans amour, s'abandonne pour de vrai à la désespérance. A l'exemple de ces fascinantes immolées de l'amour perdu, la Tosca, Médée, Norma, Isolde, Lucie, Juliette, toutes celles qu'elle avait incarnées avec une puissance jusque-là jamais entendue qui laissait le public confondu. Prodige que cet accomplissement dans le réel de ce qui paraissait n'être qu'une magistrale invention de l'imaginaire, un fantasme d'auteur lyrique? Quand la passion s'engouffre dans une âme pour la consumer de son souffle brûlant, il arrive que la vie et l'art se rejoignent et c'est terrifiant. Sublime, aussi." (p.17)
"Plus je me pénètre de l'histoire intime de la Callas, que je n'ai pas connue, par mes lectures, des témoignages, l'écoute de ses enregistrements, plus ce personnage, qui se débattait seul dans une gloire immense, m'émeut.
C'est que la gloire, lorsqu'elle atteint cette dimension a tout d'un océan: où en sont les bords, les limites? Comment faire pour rejoindre la rive, échapper à la noyade, sinon en se hissant (...) sur le premier canot de sauvetage qui passe, pour, si la tentative échoue, se laisser couler, se noyer (...). (p.39)
"Toute grande carrière, toute grande action se fonde sur la transgression, le déni des lois existantes - quitte à en inventer de nouvelles, mais la plupart du temps, c'est tout simplement en les ignorant. Le Christ a repoussé sa mère, "Femme, qu'as-tu à voir avec moi...", Jeanne d'Arc s'est habillée en homme, Louis XIV, Napoléon n'ont pas ménagé leurs contemporains (...). Alors moi je dis: ces gens que vous admirez, il s'agit de les prendre en bloc, d'autant que c'est probablement leurs défauts, parfois leurs vices, en tout cas leurs actes de transgression qui leur ont permis de balayer les obstacles, de vaincre leurs ennemis, de créer du neuf et de triompher." (p.92)
Infos...
5 euros
Chez LGF Livre de poche
Septembre 2004
217 pages

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