Etonnant destin que celui de Norig (prononcer Norik)…elle est française, d’origine catalane bien qu’on lui ait donné un prénom celte mais elle chante en roumain et en rromani depuis que Kusturica l’a subjuguée avec son film «Le Temps des Gitans ». « Gadji » (c’est ainsi que les tziganes désignent les filles qui ne le sont pas) raconte donc l’histoire de cette jeune femme qui de la culture Rom s’approprie le chant. Sa voix et son aisance dans le répertoire balkanique en ont époustouflé plus d’un, à commencer par Tony Gatlif qui l’a spontanément enrôlée sur la BO de son film « Exils ».
Norig enchaîne les rencontres avec les musiciens roms qui l’adoptent et mûrit en parallèle son projet musical avec la complicité de Sébastien Giniaux, compositeur et arrangeur, dernière recrue du célèbre Taraf de Haïdouks. Victor Coman, musicien tzigane donne avec ses arrangements une nouvelle couleur aux morceaux traditionnels. « Gadji » est le fruit de cette collaboration dont la musique puise dans ce répertoire traditionnel et amène également des compositions originales sur des poèmes tziganes, des textes en français avec la complicité de Babx, un duo avec Teofilo Chantre (auteur, compositeur pour Cesaria Evora), et même une reprise des « P’tits Papiers » de Gainsbourg.
Accompagnée de six musiciens issus de cultures musicales différentes, Norig livre un premier album d’une étonnante maturité et, sans tomber dans la démonstration, parvient à donner de multiples couleurs à sa musique qu’elle soit de traditions balkaniques, ou d’inspirations tango et manouche ou encore d’influences baroques et classiques.
Le chant des tziganes est tout autant un murmure, un cri, un appel, une incantation, dans lequel se mêlent constamment la joie et la mélancolie. Avec cette voix étonnante dont on ne sait dire si c’est celle d’une femme ou d’un enfant, c’est sur scène, terrain d’expression favori de cette musique, que Norig donne toute la mesure de son talent :
« Port altier et voix qui vous dresse le système pileux, dans les ballades à l’odeur de drame comme dans les chansons à ripaille, Norig, adoptée par les tziganes à la peau tannée qu’elle fait fondre comme des gosses, est déjà une grande ». Rémy Kolpa Kopoul.