ann guillaume

Ann Guillaume lit dans son bain, rêve éveillée, boit de l'alcool fort et voilà. Elle ne travaille, aussi, que perchée sur sa mezzanine étroite. Ses tableaux étranges, ses petits livres singuliers, ses images volantes effraient et ravissent par leur onirisme inquiet, leur macabre discret, coloré, suranné, leur joie pétrifiée. Entourées seulement ici et là de jouets inutiles, de trains électriques ou d'animaux empaillés, d'arbres minuscules ou d'architectures inachevées, ses hordes d'orphelins sauvages ( fillettes pré-Carolliennes, garçonnets foutraques, adolescents en mutation arrêtée…) traversent la toile vide ou la page blanche ou bien s'y figent et vous contemplent dans un ahurissement proche de transes vaudoues blanchies et déménagées. Leur tintamarre silencieux subjugue (les images d'Ann Guillaume sont des images implacablement muettes et terriblement assourdissantes). Par le détournement tranquillement subversif d'une imagerie à priori inoffensive et anachronique de l'enfance (celles des contes, des manuels scolaires anciens …) par ses références à la photographie (ses portraits de groupe rappellent autant de vieilles photos de classe prises depuis quel monde parallèle, entre la vie et la mort) son surréalisme primitif mêlé d'expressionnisme érosé, Ann Guillaume élabore un monde miniature et vaste fait de deuil, de joie, d'effroi , de jeux et d'indétermination sommnambule. Le fantastique étrangement sourd, accidentellement sexué de ses carnavals démasqués, aussi vifs que délavés évoque aussi bien Diane Arbus chez Peter Pan qu'un Balthus brut buvant le thé chez Henry Darger. Sing Sing