"Nouvelle (et jolie, et originale) venue dans le paysage des revues « rock », « Fugues, c'est d'abord le titre d'un album d'Innocent X que j'aime énormément. L'idée de mes premières "Fugues" m'est venue en écoutant ce disque des dizaines de fois. » C'est en se plaçant ainsi sous l'égide du second album de l'excellent trio « post-rock » français Innocent X que Jérôme Olivier a lancé, en août dernier, le premier numéro de la revue Fugues. Ce très bel objet, imprimé à 500 copies et au format d'un album vinyle, propose sur 36 pages illustrées des textes, des entretiens et des critiques de disque au style atypique, et poétique – des chroniques de disques au sens propre du terme : c'est un projet collectif dont le propos, ambitieux, est de rechercher « une nouvelle façon de parler de la musique ». Pour ce faire, le plus sot moyen n'est certes pas de laisser la parole aux musiciens eux-mêmes. On retrouve ainsi les signatures de Philippe Pigeard (le chanteur de Tanger, évoquant notamment une chanson de Scott Walker), Mark Beazley (Rothko), Glen A. Johnson (Piano Magic) ou Cécile Schott (alias Colleen), parlant de leur travail ou de leur vie. Un « sommaire » qui en dit long sur la pertinence des univers musicaux défendus ici – à travers lequel filtre une mélancolie diffuse et, somme toute, rassérénante. Rompant salutairement avec les formatages en vigueur, cultivant le plaisir d'une autre rencontre avec la musique, ceux qui la font et ceux qui la vivent, la lecture de Fugues réussit ainsi à mobiliser à la part la plus intime d'entre nous, celle-là même qui s'exerce souvent à l'écoute de ces disques..."
David SANSON in Mouvement.net
Pour Fugues,
Les proches ne sont pas toujours à portée de main. Le jour d’après non plus. Le réel a morflé. Crispation de l’épigastre et poignées de phosphènes semées dans le champ optique. Ça vibrionne sur la cornée. Ou peut-être sur l’écran, on ne sait plus très bien. L’horizon est en plasma, juste au bout du nez. On n’en croit pas nos yeux. Ça pousse comme du chiendent sur la macule des doutes, on n’en croit pas vos larmes. Le réel a morflé.
La lumière est malade et moi-même je souffre d’un mal incompétent. Une vie en pointillé, avec ciseaux plantés dans la silhouette à découper selon. Arrachez-moi la viande des joues que je vois en face le futur sourire. Une vie dans les interstices, entre deux échardes, faire tenir tout l’homme dans la lézarde. Les moineaux téléguident tes yeux mais c’est les miettes que tu pianotes. Un avion dans le canyon du son, écoute. Oh my god ! en voilà un autre !
Le silence est un oiseau au cœur qui bat encore. Alors qu’au-dessus la lune immuable portait toujours son secret. La peau n’est pas la limite. On veut beaucoup plus, par exemple : je t’aime si tu veux, si tu dis ce que je veux voir, si tu m’emmènes en cavale sur ta voix, si tu as pour mes yeux une planque de choix.
À l’ombre du fuguier, le jour est en fragment, le polyèdre est transparent. Tourner autour, changer l’axe, se désaccoutumer il faut. Que la lumière soit ! Et la lumière fugue.
Philippe Pigeard , le 7-07-2006.
photographies Fugues :: Nicolas Cuissard - Le Camembert Magique
Livret 36 pages + CD - 5 euros, tirage limité à 500 exemplaires ::
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