About Me
Nullement d’origine gitane comme on l’a souvent écrit, Crolla était né à Naples, d’une famille de musiciens ambulants qui, émigrants à Paris au début des années trente, echouérent sur la « zone » de la porte de Choisy où il passa toute son enfance. Jouant de la mandoline et du banjo aux terrasses des cafés, ou de la guitare au sein de l’orchestre familial Jazz Crolla, c’est à douze ans qu’il rencontra dans un campement de roulottes voisin Django Reinhardt qui, l’adoptant d’emblée, l’initia au jazz véritable. En peu d’années la vivacité d’esprit et les dons exceptionnels de ce petit protégé d’un dieu le firent remarquer aussi bien des musiciens que de l’intelligentsia de l’époque. Ainsi les frères Prévert, du groupe Octobre, le prennent en amitié en l’écoutant à la Rhumerie, tandis qu’il est bientôt sollicité pour remplacer Matelo Ferret à la boîte à Sardines ou jouer avec Gus Viseur au bal du Petit jardin, fief des guitaristes gitans. Il se produira même durant un an (1939) au fameux Jimmy’s bar de Montparnasse, théâtre de folles jam sessions où il côtoie notamment Coleman Hawkins, Benny Carter, Django et Henri Salvador. Après la période de l’Occupation, particulièrement difficile pour cet immigré italien qui devra se cacher, fuir même, et faire un peu tous les métiers (tour à tour charbonnier, maçon et ouvrier d’usine), la libération le voit retrouver sa chère guitare Selmer et enregistrer, dès 1946, une mémorable Jam Session numéro 4 (« Minor Blues », « Autumn Harmony ») en compagnie d’un ensemble de cuivres mené par Hubert Rostaing et Alex Renard. Désormais remis en selle, Henri Crolla apparaît aux côtés d’André Ekyan, puis, au Shubert, au sein du trio du pianniste Léo Chauliac (« Crazy Show », « Riff 46 ») et dans celui de Bernard Peiffer. Débute à cette époque sa collaboration régulière avec Jacques Prévert et Yves Montand, aussi célèbre que féconde (« Sanguine », « Cireurs de Broadway », concert à l’Etoile, 1953), celle moins connue, avec germaine Montéro ou Mouloudji (« Saint Paul de Vence »), et son concours à d’innombrables musiques de film.
Autant d’activités qui ont fait sans doute écran à la brillante carrière de jazzman qu’il poursuivit pourtant jusqu’à sa fin prématurée. On notera pour mémoire ses prestations remarquées au Club Saint germain (1955) dans le Stéphane Grapelli-Maurice Meunier sextet et les enregistrements fort convaincants avec ces derniers (« Belleville », « Swing 39 » ou « Body and Soul » et « Alembert’s ») ainsi que d’autre avec Hubert Rostaing et Martial Solal.
Quelque peu oublié aujourd’hui la majeure partie de ses disques attendent la réédition- trop modeste et pudique pour s’être véritablement imposé, ce musicien lyrique et d’une sensualité mélodique exquise fit dire à Naguine Reinhardt, lors de sa disparition : « Après lui il n’y a plus de guitariste. »…
ALAIN ANTONIETTO ( Texte tiré du livre : « L’Histoire des guitares Selmer Maccaferri » François Charle)