oscarlef

Des bruits divers et d’été, un été indien qui n’en finit pas...
Il a chaud, le souffle court, il fait chaud. La poussière colle à la peau. Il a l’haleine chargée mais ce n’est pas nouveau. Au loin, des sons lourds, pesants, oppressants. Comme des tambours.
C’est pourtant pas la saison. Il se demande s’il est le seul à les entendre. Il aimerait bien... Il allume la radio. Du dobro, du slide, une voix rauque, ça joue bien. Un blues qui parle d’un singe. Pourquoi pas ?...
Encore des bruits domestiques, des bagnoles aussi. Pas le choix, sauter le pas, il faut quitter la ville. Oui, mais pour aller où ? Parce que choisir sa voie, trouver son chemin et autres fariboles du même tonneau, très peu pour lui. Il va se la jouer au feeling.
Comme d’hab’. Ouais, c’est l’heure de dégager, mais en prenant son temps. Il enclenche la première et se laisse guider par un harmonica haut perché mais lointain. Décidément, cette radio lui plaît. Du bitume, des panneaux, des miles et encore des miles, et les haltes. Eau, huile, essence et du feu dans le gosier. Des passages obligés dans des bars enfumés, des motels impersonnels et des rencontres improbables.
On s’y fait ou pas. On fume, on boit, on chante plus ou moins bien, on chambre aussi, et parfois on livre un petit secret, quelque confidence avinée à un inconnu.
Réveil douloureux, mal aux cheveux, les cordes vocales ont été mises à mal. Rien que de très normal. Quinte de toux, trous de mémoire, pic à glace dans la tête où s’engouffrent des sons bizarres, tintamarre ! Ca fait une drôle de musique tout ça. La lumière est crue, blanche. Ca lui donne un teint d’endive.
Marre de voir cette tronche, il explose son reflet et deux phalanges au passage. Un peu de sang, de verre brisé et des bleus à l’âme. Ca lui fait du bien et du mal.
Il croit entendre des rires étouffés dans l’arrière-cuisine, ça ne le dérange pas. Pourquoi a-t-il envie de chanter, de danser aussi ? Pourtant ses pieds ne bougent pas, comme cimentés.
Il sait bien que tout se passe dans sa tête, ses délires, ses pulsions, ses colères. Cela vaut peut-être mieux. Il fait le plein, et redémarre à fond la caisse. Il n’a même pas vu la fille du pompiste qui lui faisait les yeux doux. Il se sent léger. Normal, il ne quitte rien. Même si son tuner est pourri, la musique est plutôt bonne. La, ré, do. Pas de pub. Là, un genre de blues ethnique avec un gars aux cordes vocales passées au papier de verre. Comme lui. Il se sent moins seul. Il tapote gentiment le volant à contretemps, en fredonnant. C’est marrant, il a l’impression de connaître cet air. Il accélère. C’est alors qu’un coyote imbécile vient se flanquer sous ses roues. Il freine à peine, sa calandre a morflé. Il s’en fiche. La route est encore longue. Il se retourne, sur la banquette arrière, personne. Pourtant, il aurait juré avoir entendu des voix. Non, pas la radio cette fois, un truc plus chantant, plus intime. Pas loin du reproche, un truc doux qui lui manque... Il fait chaud, trop chaud. Il ouvre la boîte à gants, s’envoie une belle rasade d’un tord-boyaux quelconque. Ca le brûle, il se doit de faire taire ses petits démons. La route est encore longue. Et déserte.
Ne pas dormir, oublier le ronron du moteur, prendre le vent, la musique à fond la caisse ! Encore du blues jusqu’à demain. L’océan est encore loin.
Ph.Paris 2008