L'AN-FER

Comment tout a commencéS'il est une chose dont Dijon peut se targuer, c'est d'avoir lancé la techno dans l'Hexagone. En France et à l'étranger, Dijon est désormais connu pour sa moutarde, son kir et ...sa techno. A l'origine de tout, un club : L'An-fer et un homme : Laurent Garnier. Explications.Nous sommes en mars 1990, à Rimini. Frédéric et Franck Dumelie, patrons de l'An-fer, toute jeune boîte rock dijonnaise, sont en Italie pour le Salon international de l'équipement des discothèques. Un soir, ils se rendent à la Baïa Imperiale, boîte à la mode où est organisée une soirée French Kiss avec deux DJ's inconnus, Laurent Garnier et Guillaume-la-Tortue. "On a reçu une claque, se souvient Frédéric. Nous n'avions jamais vu et entendu un truc pareil. L'ambiance était vraiment étonnante, on sentait une osmose incroyable." Aidés de Frédéric Messant, journaliste au Magazine de la Dance ils contactent Garnier et lui proposent de venir jouer à Dijon. "Nous voulions apporter quelque chose de nouveau, mais nous avions très peur de la réaction", explique Fred.Soirée Ice en 1990Contre 1 500 F, Garnier vient pour la première fois à Dijon en juin 1990 pour une soirée baptisée ICE. C'est un succès ! Le DJ est lui-même étonné:"J'ai trouvé les gens biens, réceptifs à ma musique. C'était rare à l'époque de voir une réponse comme ça en Province ", se souvient-il aujourd'hui. D'autant plus que c'était un contre-pied total avec le style classique de l'An-fer."C'était la première fois qu'on cassait le moule des séries slow, funk, rock, etc..., note Fred. Alors, c'est vrai que ça a bien marché mais beaucoup de gens nous ont tourné le dos." Le vendredi soir, une fois par mois, deviendra alors pour quatre ans la résidence de Laurent Garnier."Je voulais une résidence en-dehors de Paris et j'ai tout de suite aimé le cadre de la discothèque, raconte-t-il. Un très bon feeling est passé avec les patrons alors je me suis dit pourquoi pas ? "L'explosion en 1992Quatre ans de résidence avec d'abord un an de soirées New-Age puis un an de soirées Trax et deux ans de Wake-up. Entre temps, Laurent est devenu une star : il joue à Paris, au Boy, au Palace et est résident au Rex le jeudi soir, également pour les soirées Wake-up . "C'est vraiment à partir de ces soirées en 1992 que le mouvement a pris de l'ampleur, raconte Fred. C'est là qu'on a commencé à être connus au-delà de Dijon et que notre clientèle ne s'est plus limitée au milieu Gay. Car c'est quand même le milieu homo qui a lancé la techno." Les soirées Wake-up sont très médiatisées. La presse parisienne et nationale en parle. C'est lancé. Garnier crée des vocationsDans son sillage, Garnier crée des vocations. "A l'époque, le light-jockey de l'An-fer, en travaillant avec Laurent, a eu envie de mixer lui-même. En quelques mois, il est devenu bon et a commencé à passer les disques le samedi soir. Et maintenant c'est DJ Tonio et il est demandé dans toutes les boîtes de France ! " explique Fred avec fierté.En 1994, Laurent Garnier a trop de demandes ailleurs pour pouvoir assurer une résidence. C'en est fini de la période Wake-up ! Mais l'aura de Dijon dans le milieu de la techno internationale a permis aux frères Dumelie de faire venir depuis toute le crème mondiale : de Derrick May à Jeff Mills en passant par St-Germain.Laurent Garnier, qui continue de venir régulièrement à Dijon, garde de cette période-là une grande fierté: "je suis très content de l'avoir fait et très fier d'avoir contribué à faire bouger un peu les choses à Dijon."Etre là au bon momentPourquoi Dijon, pourquoi cette ville a-t-elle réagit au mouvement techno? Fred a son explication : "D'abord, il y avait ce public homosexuel, qui auparavant n'avait pas de lieu où s'exprimer librement. Ensuite, je crois qu'il y avait une forte demande pour quelque chose de particulier, qui sort de la routine. Après, d'autres personnes ont joué le jeu : des bars, des commerçants, des radios...On a été là au bon moment."Stéphane DELFOUR Copyright Le Bien Public-Les Dépêches