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Ce n’était pas, certes, le jour le plus froid du monde mais sûrement pas le plus chaud non plus. La Nature sortait le bout de son nez doré et se promenait parmi les arbres, les animaux et les fleurs pour les réveiller du bout de ses doigts filiformes ornés de diamants de rosée. Les fleurs se secouèrent et se dévêtirent de leur robe de mariée givrée laissée par le Seigneur Hiver. Parmi elles, se trouvaient une rose et un lys amoureux depuis qu’ils étaient boutons. Quelle ne fut pas leur surprise lorsque Rose s’ouvrit à l’effleurement de Dame Nature : Un petit être était blotti au milieu de ses pétales de sang et ouvrait ses yeux sur le monde.
Ce petit être c’était moi. Je naquis fripée, maladroite sur ses jambes et éblouis par la lumière du soleil comme un papillon sortant de sa chrysalide. Je découvris le monde et ses premières merveilles comme si l’on m’avait donné un nouveau jouet grandiose fait de boutons, de couleurs, d’odeurs et de goûts. Je vivais entre maman et papa filant avec les araignées la toile de ma petite vie.
C’est en m’éveillant un matin que j’aperçu que Maman tenait un autre petit être entre ses pétales. Qu’était-il ? Un oiseau ? Une coccinelle ? On me présenta mon petit frère aussi minuscule qu’une noix dans le creux de la main. Désormais nous étions quatre.
Bientôt le papillon fragile, que j’étais, allait se prendre pour un crapaud, exclu de tous les jeux et les papillonnages des enfants de son âge. Ils se réfugièrent, elle et son esprit, au dessus des nuages et divaguèrent à la poursuite d’aventures fantastiques, sautant d’étoile en étoile, par delà la Lune et l’imagination.
J’avais une imagination débordante. Je plongeais dans des gâteaux à la crème de nuage, faisait des courses de libellules et faisait un piqué vers le Pays Imaginaire sans y croiser une seule fois Peter Pan mais bravant le capitaine crochet. Je regardais tous les soirs par la fenêtre vers l’étoile du matin s’il ne venait pas me chercher pour devenir un de ses enfants perdus et m’arracher des fantômes qui rôdaient autours de moi en s’approchant dangereusement.
Le jour de mes 10 ans, il s’est posé sur les rebords de mes oreilles et me chuchota d’aller rejoindre Bob Morane, la petite fille de Kao Bang à Canary Bay. Euphorique qu’il m’ait enfin trouvée, je courus et me précipita dans les eaux de la lagune rouge de la colonie.
J’ai grandis entre cette ile et le monde réel. Quand tout allait mal et que je me désespérais, je me réfugiais sur cette ile et Peter Pan venait me chuchoter des mots à l’oreille pour me réconforté. J’allais à l’école psalmodiant, dans mes dents et dans mon esprit, les mots que m’avait murmuré Peter sur l’ile.
Mais le ciel bleu de la lagune se couvrit petit à petit de nuages rouges zébrés de noir. Peter Pan avait aussi changé. Il avait troqué son bel habit vert pour un habit noir et teint ses jolis cheveux auburn en noir de jais. Ses enfants perdus s’étaient métamorphosés en jeunes corbeaux mélancoliques de l’enfance et moi, je les suivis. Crochet n’était pas encore tombé et Peter Pan luttât contre ce pouvoir despotique. Je brandissais fièrement le drapeau de l’espoir en admirant notre chef contre tous les guerriers des temps modernes.
Mais je me rendis compte, un soir, que notre chef n’était pas cet espoir pour lequel nous combattions depuis tant d’années. Les fantômes de mon enfance se seraient-ils transformés en héros pour mieux nous berner ? Peter Pan avait-il pactisé avec le Capitaine Crochet pour nous livrés au monde noir des adultes ? Canary Bay s’effondrât et fut engloutis, en partie, par les eaux rouges de la mer. J’étais encore sur la cime de la montagne qui surplombait l’ile, accompagnée de quelques autres survivants. Celle sur laquelle nous regardions les étoiles écouter les conseils que nous donnait la Lune et sur laquelle j’avais aimé pour la première fois. Celle où, plus tard, Peter Pan m’avait consolée d’avoir été abandonnée par mon amour parce que je l’aimais autant que lui. Mais là , la Lune nous a répondu qu’elle ne traitait pas des cas comme ça. Et étoiles s’éteignirent une à une en nous laissant dans le noir, le froid et le doute. Je sombrais petit à petit vers le fond des eaux rouges ...
Alors que j’étais sur le point de me noyer, on m’attrapa par le bras et on me hissa sur le croissant de Lune. Je voyais le bout dépassant de l’ile de là -haut en me penchant en prenant garde de ne pas tomber. Je pensais que Peter Pan venait de me sauver et que toutes les rumeurs que l’on avait lancées n’étaient qu’étincelles sans vie. Mais quand je regardais de plus près j’aperçus, debout, un petit chat roux tigré, les dents cassé, genre chat de gouttière éclairée par l’unique bulle de lumière de la nuit. Il avait les yeux couleur pistache et me souriait gentiment. Je me secouais la tête en fermant les yeux et quand je les rouvris, il était toujours là ! Derrière lui, se tenait d’autres personnes : une petite sorcière pas vilaine du tout, un ours des Pyrénées à l’air badaud, un étrange personnage aux lunettes rondes, un autre qui sifflait « When The Saints Go Marchin' In » et un dernier qui jouait au lasso avec sa cravate pour attirer les filles.
« Retourne sur Terre, le monde n’est pas si triste. Il suffit de le voir autrement. Viens avec nous ! » Me dit le chat. Je redescendis sur Terre en compagnie de mes nouveaux compagnons de route en laissant derrière moi, avec un petit pincement au cœur, Peter Pan et les derniers rescapés de l’ile qui continuait de disparaitre. J’étais sauvée, du moins pour le moment.
Le chat me raconta qu’il était tombé amoureux d’une femme arbre au sang chocolat chaud. Quand il parlait de cette fille, j’entendais son cœur faire clip-clop, ding-dong comme si on avait remplacé son cœur par une horloge mécanique. L’électricité qu’il produisait, tellement il était nerveux d’en parler, lui faisait redresser les poils de sa tête comme des mini éclairs à la mandarine. Il bondissait partout avec des grands gestes et de grands cris que j’en avais le tournis en sachant plus bien où regarder et quoi écouter. Heureusement, la gentille petite sorcière l’aidait dans son récit, avec sa petite voix acidulée et son petit violon, en commentant ses propos et les autres l’accompagnaient. Il me dit qu’elle dansait comme une fée, comme une flamme qui brillerait de mille feux dans la nuit noire. Il me raconta aussi l’histoire d’un homme qui avait une horloge à la place du cœur et qui tomba fol amoureux d’une petite chanteuse. Il parait qu’il traversa la Manche pour la rejoindre en Espagne où ils vécurent heureux jusqu’au jour où son plus grand rival arriva pour reprendre sa place auprès de la petite chanteuse. Jaloux, il s’arracha l’horloge et quand il se réveilla, la petite chanteuse ne l’a pas reconnu. Il erra alors l’âme en peine dans les forêts et les vallées d’Écosse.
Quand le chat me racontait cette histoire, j’ai eu le sentiment que cette histoire était la sienne. D’ailleurs c’est peut-être pour cela que j’ai l’impression d’entendre un bruit d’horlogerie lorsqu’il s’emballe. Il me racontait chaque soir, une histoire de fée, de sorcière, de princesse, de coccinelles, de fantôme et expliquait comment lui et moi-même nous nous ressemblions quand nous étions jeune : moi, enfant perdu, et lui, Jedi.
La nuit, je l’entends se faufiler, tel le félin qu’il est, se glisser près de moi et murmurer dans le creux de mon oreille « Love is dangerous for your tiny heart » comme le répétait la sage-femme à l’homme horloge. Ooooh Mister Chat, je le sais comme il est difficile d’aimer sans souffrir mais toi qui connais tant d’histoires peux-tu trouver le remède à la souffrance due à l’Amour ?
Depuis quelques temps, je traine sur les routes et les chemins escarpés de la vie avec mes nouveaux compagnons d’aventure. Le ciel est redevenu bleu et lorsque le ciel se couvre, on se marre à se raconter et chanter des histoires aussi farfelues les unes que les autres en sautant dans les flaques de pluies en dansant dans nos anoraks. Quand cela se calme on va faire du longboard au clair de Lune en zigzaguant parmi les tombes et en criant …
Giant Jack in on my back !
Mais Peter Pan vole-t-il toujours à la rescousse des enfants perdus ?
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Il s’agit, peut être, d’une façon un peu plus poétique de raconter la vie de quelqu’un, mais j’ai appris, ces derniers mois, que voir les choses en noir et sans poésie vous font vieillir plus rapidement. On nous oblige dès la plus tendre enfance à nous fondre, corps et esprit, dans un moule de réalité. Pour certaines personnes, ce moule est fissuré. Il laisse passer l’esprit pour qu’il aille au-delà de la Lune pour conserver cette part d’enfance que nous avions jadis.
C’est le rôle de ses personnes, de prendre le marteau de l’espoir afin de fissuré le moule des enfants pas encore tout à fait prêt à être adulte et ceux des adultes qui se seraient déjà durci à l’extérieur mais au cœur encore liquide de l’enfance… Little Jack cherchait à être un homme sans trucage mais quand on y réfléchit… C’est bien lui, le seul homme sans trucage.
Ce sont des personnes, telles que Mathias Malzieu, Babet, Dionysos, Nicola Sirkis et Indochine, qui ont réussis à conserver mon moule fissuré. Je suis à la fois cet enfant perdu ayant foi en le Peter Pan qui m’a appris à lutter contre les injustices et recueillit par un petit chat nerveux qui me fait voir, avec ses compagnons, la vie de toutes les couleurs et toutes les joies du monde.
Je progresse et je trace ma vie vers un but que je me suis fixé moi-même sans avoir de chemin tout tracé d’avance. Je suis mon instinct en m’appuyant sur les béquilles que sont mes proches, mes amis et bien sûr ces faiseurs de rêves.
Je m’appelle Aude Boubaker. J’ai quasi un quart de siècle. Je veux faire de la musique pour faire, à mon tour, rêver les gens. Je suis aux études et j’étudie le journalisme. Juste au cas où… Il y a peu, j’ai pu rencontrer cet homme sans trucage, celui aux mille histoires. Vous savez, ce chat roux tigré aux yeux verts amoureux de la femme arbre au sang chocolat chaud. J’aurais voulu lui dire « Merci » mais c’est rester au fond de ma gorge. J’ai le cœur qui swinguait : ooh tais-toi mon cœur ! Je les ai tous vus : la petite sorcière, l’homme aux lunettes ronde, l’ours des Pyrénées, l’homme à la cravate et le siffleur-batteur... Mais le « Merci » et ma voix sont restés au fond de ma gorge et mes yeux ont vu des étoiles et volés des images avant qu’elles ne s’effacent…
Alors vous, faiseurs de rêves, si vous passez par ici. Merci de me faire rêver et de conserver mon âme d’enfant…