†Qu'on s'en persuade :
il nous a bien fallu quelques raisons impérieuses
pour devenir ou pour rester poètes.
Notre premier mobile fut sans doute
le dégoût de ce qu'on nous oblige
à penser et à dire, de ce à quoi notre
nature d'hommes nous force à prendre part.
Honteux de l'arrangement tel qu'il est des choses,
honteux de tous ces grossiers camions qui
passent en nous, de ces usines, manufactures,
magasins, théâtres, monuments publics qui
constituent bien plus que le décor de notre vie,
honteux de cette agitation sordide des hommes
non seulement autour de nous, nous avons observé
que la Nature autrement puissante que les hommes
fait dix fois moins de bruit, et que la nature dans
l'homme, je veux dire la raison, n'en fait pas du tout. [...]"
Francis Ponge - "Des raisons d'écrire"