Not From This World

Ce soir, Not From This World joue en ville. Le groupe a réussi à dégotter une petite usine désaffectée dans un vieux quartier laissé à l’abandon. Le public clairsemé arrive par tous les côtés, flyers en mains, cherchant dans le dédale de cette friche industrielle. Peu à peu, les gens se soudent les uns aux autres. Peu de raison de traîner dans ce coin désert si ce n’est pour écouter cette formation underground dont on sait si peu de choses. Les morceaux ont beau traîner sur le net et se transmettre comme un virus de clic en clic (avant on disait de bouche à oreille), l’album ayant même réussi à se vendre quelque peu (un exploit à cette heure) grâce au clip du morceau Roots of religion. Petit à petit, une bonne centaine de personnes se glissent dans l’espace du grillage légèrement entrouvert et zonent dans la cour remplie d’énormes bidons, de pièces métalliques et de reliques du travail à la chaîne. On explore, on furette mais nul part trace d’un concert. Pas de sono, pas d’estrade, on commence à se demander s’il s’agit d’un gag, lancé par un fan mytho. Les bières tournent et les pétards s’échangent, beaucoup de gens se mettent à faire connaissance et finalement peu de grincheux regrettent de s’être déplacés. Le soir tombe tranquillement sur une petite communauté heureuse d’avoir découvert sa propre existence. Un gros son semble alors surgir du sol. Tout le monde se regarde. - Ca vient de là ! le gars est sur de lui, il indique le grand hangar aux vitres brisées. On rejoint ce gaillard qui a agrémenté sa tenue camouflage de l’armée par un NFTW en grosses lettres au marker. Effectivement, le hangar dans la pénombre tremble et vrombit d’une sorte de gros accord qui rappelle l’orgue dans le sous-marin du capitaine Nemo de Jules Verne. Quelques bougies brillent plus loin. On fait attention d’éviter les trucs qui traînent par terre et on arrive sur un sommaire escalier qui plonge dans les entrailles du sous-sol. Pas d’erreur c’est bien par là qu’il faut aller, on distingue plus de médiums. Certains sont excités, d’autres rigolent un peu nerveusement. « Y a un serial killer en bas » lance une voix farceuse. « Ils ont décidé de décimer tous les fans de Not From » rajoute un autre. Les voici dans les boyaux souterrains, quelques appliques murales permettent d’avancer tant bien que mal à l’aide de leur lueur verdâtre. On dirait une secte en procession dans les catacombes, se rendant à quelques sulfureux sabbath. Un « Ah ! » polyphonique s’élève des bouches des premiers à déboucher dans une grande pièce circulaire. Des coussins sont disposés à même le sol sur toute la circonférence. On s’installe, épaule contre épaule, l’accord phare diminue, s’interrompt. Le noir se fait. Sur le bord intérieur du cercle apparaît un point de couleur comme de l’or en fusion. Inutile de dire que chacun retient son souffle. Lentement la couleur s’étire, formant un rond parfait. Quand celui-ci est achevé le groupe est là.Des arpèges multiples superposés, de longues vagues de synthés comme des coulées liquides, des voix noyées d’échos de cathédrales, parfois un vacarme plongeant l’auditoire dans les forges de Vulcain, tout s’enchaîne en un rêve opiacé qui semble ne jamais devoir finir.Pourtant tout le monde se retrouve sous les étoiles, la parenthèse n’a duré qu’une heure, le groupe a disparu comme par enchantement, comme il était venu. On chuchote, on se regarde, on parle à peine. On veut juste rester encore un peu ensemble avant de devoir retrouver dehors, les autres. On s’échange les adresses, on veut faire des choses. Quelques débuts de couple. Deux amies pleurent sans pouvoir s’arrêter, accrochées l’une à l’autre. Quelques semaines plus tard sur le site du Not, on pouvait télécharger un live intitulé Ceremony. Y étiez-vous ?