Tout débute en 1981. La gauche arrive au pouvoir. La crainte de voir des communistes avec le couteau entre les dents descendre saccager les rues et manger des enfants est grande, mais, finalement, les rues resteront plutôt calmes. Par contre, un danger terrifiant vient planer au-dessus de l'après-giscardisme : la loi autorisant les radios locales associatives à émettre est votée le 9 novembre, et entre en vigueur en janvier 1982. Certaines radios pirates rentrent dans le cadre de la loi, d'autres radios sont créées. Ca foisonne sec, mais la confusion règne : les émetteurs sont parfois trop puissants, les fréquences sont souvent mal calées, et le financement est plutôt incertain. N'empêche que bon, on y va.
Dans le Finistère, à l'époque, Radio Plogoff cesse ses activités, faute de centrale nucléaire à contester. Le projet ayant été retiré, le matériel ne sert plus, et certains habitants du quartier de Kérangoff, à Brest, se disent qu'avec la loi qui vient d'être votée, il serait bête de ne pas l'utiliser. Et hop ! Quasiment sur un coup de tête, on installe l'émetteur dans le Centre Social du quartier (un émetteur italien à lampes qui émet jusqu'à Paris, en brouillant la télé dans les immeubles alentour...) et on fait appel aux bonnes volontés pour mettre des cloisons dans le sous-sol. Ensuite arriveront l'électricité, la table de mixage, les platines, et le reste - principalement du matériel de récupération copieusement bricolé. L'association est créée et l'activité commence de façon sporadique, sans pub, sans grille. La radio s'appelle alors Radio Kérangoff et émet sur le 93.0.
Ensuite, le concept évolue vers ce qu'on appellera "Radio des Quartiers Brest" : l'émetteur passe d'un quartier à l'autre chaque semaine. Cette modification ne se fait pas sans mal, car il faut à chaque fois créer des studios et trouver des animateurs... En ce qui concerne la fréquence, on part sur le 104.0 à un certain moment, pour ne pas dire à un moment certain.
Et voici, vers 1986, l'arrivée de "Fréquence Mutine". On ne sait plus qui a trouvé ce nom-là, mais à l'époque les gens du conseil d'administration ont trouvé ça bien, d'autant que les initiales sont FM, ce qui est mieux que bien : c'est bath.
Le sigle, que vous pouvez admirer là, à droite, a du être conçu en 1988. Il n'a pas été modifié depuis, et reste toujours en vigueur - enfin, plus ou moins. Le secret, c'est que c'est le troisième bonhomme en partant de la gauche qui balance la bombe, et les autres sont paniqués. Je sais que certains se sont posé la question, mais il ne faut pas oublier que d'autres s'en moquent éperdument.
Et là, on arrive en 1990. L'occasion pour moi de vous dire que l'auto-stop, franchement, c'est pas facile tous les jours. Mais la radio non plus. N'empêche que j'ai pas grand-chose à dire pour 1990 spécifiquement, donc je vais vous raconter la fantastique histoire de Pierre Bouly, attention, c'est en Néerlandais : "Pierre Bouly was wel een toffe kerel, omdat hij voor Den Bosch was. We weten allemaal wat er met Pierre Bouly is gebeurd, alleen wisten ze het niet precies zeker. Voor diegenen die het nog niet weten zal ik het nog een keer vertellen." Pour briller en société, n'hésitez pas à ressortir cette phrase, en faisant attention à la prononciation de "gebeurd", c'est important. Ah si, j'ai un truc pour 1990 ! Pour citer Jean Leloup, "en 1990, c'est l'heure des communications". Il n'avait pas tout à fait tort.
On se souvient encore dans les cercles très fermés de l'intelligentsia brestoise de la fureur qui entoura au début des années 90, l'émission "Valium". Cette émission hautement caustique était une revue de presse féroce, style genre comme Ruquier maintenant, mais avant Ruquier, et c'est là qu'était sans doute leur talent. On se souvient moins d'autres émissions, par contre.
Sous l'impulsion de notre guide à tous, Claude Martin, un flash-infos quotidien est lancé en 1995, qui permet à la radio et à ses auditeurs de se trouver au bord du chemin. Des informations principalement locales et pratiques, qui sont très utiles aux étudiants qui nous écoutent, mais aussi aux autres gens, car nous ne sommes pas sectaires. Sinon, les murs qui étaient tout noirs sont recouverts d'un crépi blanc mat tout à fait seyant. Bravo Claude. Par ailleurs, la radio organise "Les Rockeurs ont du Coeur", ce qui est très classe.
Et la vie continue, puis s'arrête en 2000. Ah ! Si le Stade Brestois était monté en D2 ! Mais non. Il n'empêche que la radio a retransmis toute la saison dans une émission dénommée "le Monoplex", à grands coups de système D. L'intrusion du football sur les ondes de Mutine avait soulevé quelques oppositions au départ , mais au final ce fut un bon coup de pub et nombreux furent les auditeurs à suivre les retransmissions des matches. On se souvient encore de ces phrases : "C'est dedans ! C'est dedans de Francky !" ou encore le fameux "Francky ! Garin ! Oui ! Non ! Franckyyiiyyyiyyyyyy !!!!". Que c'est beau. La vie reprend.
Nous voici en 2002. Après plus de vingt ans d'utilisation, les locaux de Mutine sont vieux, usés et fatigués. La poussière règne, le matériel souffre, bref, les conditions ne sont pas simples. Mais là, d'un seul coup d'un seul, ce qui n'était que supputation se concrétise : le Centre Social de Kérangoff où Mutine reste installée malgré les inondations et les "isolants discutables" va subir une rénovation complète - et la radio est comprise dans les travaux. Quelques inondations dues aux travaux au rez-de-chaussée vont mettre une touche de moisi dans un décor déjà passablement passable, mais la confiance règne.
Nous avons maintenant rejoint nos nouveaux locaux, ou plutôt nos anciens locaux rénovés, ils sont spacieux, fonctionnels et bourrés de tons pastels. Une nouvelle vie débute.
Voilà. C'est loin d'être complet, mais ça vous donne une idée.