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" Un gros caillou planté au milieu de nulle part dirait Richard Virenque, une légende vivante soufflerait Eddy Merckx comme un vieux salopard grognerait Lance Armstrong !
Peu de cols suscitent autant d'engouement que le Géant de Provence. Adulé, redouté ou détesté, il ne laisse jamais indifférent. Et sur ses pentes, s'écrit chaque jour un nouveau pan de son histoire !
Que vous arriviez en voiture, en train ou même par les airs, le regard est irrésistiblement attiré par cette excroissance pierreuse qui domine toute la région. C'est d'abord en silence que l'on contemple le Géant de Provence, de loin presque intimidé. On ressent déjà la force de cette montagne, le poids de l'histoire qui rode autour de ce mythe. Plus que n'importe autre sommet dans le monde, le Mont Ventoux sacralise les histoires les plus folles. Les passages du Tour de France, depuis 1951, ont contribué à sa légende, avec de grandes victoires mais aussi des drames dont le décès de Tom Simpson en 1967 !
La fascination que génère cette montagne date du 14ème siècle. Le vélo n'était pas encore d'actualité, ni les routes carrossables d'ailleurs. Mais Pétrarque, illustre poète italien, écrivit une de ses plus belles lettres après avoir réalisé la première ascension de la montagne sacrée, L'ascension du Mont Ventoux, en 1336, où il évoque "Les épreuves que tu as endurées tant de fois, aujourd'hui, dans l'ascension de cette montagne, sache bien que tu les rencontres aussi, toi-même comme tant d'autres, dans la recherche du bonheur... nombre d'escarpements coupent cette route et fait avancer de vertu en vertu, par des degrés éminents. Sur le sommet et le but suprême, le terme de la route vers lequel tend notre voyage".
Peut-être est-ce inspiré par ces paroles remplies de sagesse que de nos jours, ils sont des milliers à défier chaque jour le Géant de Provence. Un engouement permanent, qui se renforce à l'approche de l'été. J'habite à Bédoin, explique Jean-Pascal Roux, détenteur du record de montées en 24h, et un matin j'ai vu débarquer quatre cars espagnols remplis de cyclistes et de vélos qui se préparaient à monter le col. A la belle saison, c'est un ballet incessant, une nuée multicolore qui serpente de l'aube au coucher...
Conscient de leur folie, certains n'hésitent pas à afficher clairement la couleur. C'est le cas de la confrérie des cinglés du Ventoux, qui regroupe plus de 1000 cinglés ! Crée par Christian Pic, en 1988, cette association réunit tous ceux qui gravissent le Mt Ventoux trois fois dans la même journée par les trois côtés. En 1998, Christian Pic crée une nouvelle catégorie, les galériens. Pour en faire partie, il faut, en plus gravir le Mt Ventoux par la route forestière : la route des cèdres. "L'engouement est de plus en plus fort chaque année" explique Christain Pic. "En 2003 et 2004, on arrive à 350 inscriptions, soit autant que les années où le Tour de France passe par le Ventoux." Il explique cette fascination par plusieurs facteurs, "le paysage extraordinaire, la difficulté de la pente, les courses comme le Tour de France et le Dauphiné Libéré, les cyclosportives." Certains cinglés réalisent le triptyque plusieurs fois au cours de leur vie, pour célébrer des moments importants. Ainsi, Florence Girard, a décidé de s'offrir son cadeau, pour ses 50 ans en 2003 : "Pour les fleurs, c'était le Bouquet de Tavel, pour le gâteau, Paris-Brest-Paris et le cadeau... les cinglés du Mont Ventoux".
Le Ventoux, on y vient et on y revient, car chaque montée apporte son lot d'émotion. Par exemple, il n'y a rien de plus beau que de le grimper de nuit, et d'aller assister au lever du soleil, tout en haut. C'est une vision unique sur toute la vallée...
Pour ceux qui veulent encore plus, il existe un nouveau challenge, les Ventoux Masterseries, organisé depuis 2003. Le principe est simple, grimpé au moins 5 fois le Géant de Provence en 24h. En 2004, pour la deuxième édition, 19 concurrents ont décroché leurs diplômes. Le record de Jean-Pascal Roux a même été égalé par Dominique Briand, qui a aussi escaladé 10 fois le Ventoux dans la journée. La course à la performance est en marche, même s'il semble difficile de faire encore mieux. "Battre ce record me paraît actuellement impossible, mais bon, sait-on jamais, avec le Ventoux, on peut s'attendre à tout..." avoue à l'époque Briand ! Car effectivement, le 15 mai 2006, Jean-Pascal Roux réalise 11 ascensions en 23h51... et par Bédoin, le côté le plus difficile !
Mais pour l'immense majorité, leur propre défi consiste déjà à réussir à le grimper au moins une seule fois. Foule silencieuse et anonyme qui se rend au Ventoux comme d'autres partent en pèlerinage. Certains, même, l'affronter dès janvier. Et comme on le précise à l'office du tourisme de Malaucène, même hors-saison, lorsque les touristes sont partis, il reste toujours les cyclistes...
Le Mont Ventoux est un sommet de Provence, point culminant du massif des Baronnies culminant à 1912 mètres. Son ancien nom Ventour, basé sur la racine oronymique préceltique went' mont, a été réinterprété par « venteux ». Il est vrai que le mistral y souffle souvent à plus de 100 km/h, et parfois même jusqu'à 320 km/h comme le 15 février 1967, record du monde toujours d'actualité ! En effet, le mont s'étendant perpendiculairement au vent, il s'y produit un effet Venturi accélérant le flux d'air, comme sur l'extrados d'une aile d'avion. Surnommé le « Géant de Provence » et situé à 20 km à vol d'oiseau au nord-est de Carpentras, il est assez éloigné des autres sommets de la région, le Signal de Lure (1826 m) se trouvant à plus de 40 km à l'est...
Classé par l'UNESCO "réserve de biosphère" en 1990, le Mont Ventoux présente une flore d'une diversité rare. Au bas de ses flancs sud, la région le Comtat Venaissin, étant riche en vignobles, une AOC porte son nom, les côtes du Ventoux, qui font partie des côtes du Rhône méridionales. De par la protection climatique que le Mont Ventoux confère, le Comtat Venaissin bénéficie d'un véritable micro-climat où croissent la plupart des fruits et légumes de France. Parmi les plus connus et reconnus (c'est à dire bénéficiant d'une AOC Ventoux) citons : la cerise, la fraise, le raisin de table, le melon, l'abricot, les asperges. Le Mont Ventoux est l'un des derniers contreforts sud-occidentaux des préalpes françaises. C'est un anticlinal avec des chevrons et des combes. La végétation varie en fonction de l'altitude, de l'étage mésoméditérranéen à l'étage subalpin. Elle présente un bon échantillon des groupements végétaux méditerranéens français non littoraux : mattorals à Genévrier de Phénicie, végétation des rochers et falaises continentales calcaires, éboulis thermophiles, landes oroméditerranéennes à Genêt épineux, landes et pelouses alpines et subalpines, pinèdes montagnardes, faciès à Houx et If de la hêtraie-sapinière méridionale...
Les chantiers navals de Toulon, dès le XIIe siècle, ont utilisé les arbres qui poussaient sur ses pentes. Le Mont Ventoux fut reboisé au XIXe siècle (dans les années 1860), à l'initiative de M. Tichadou, inspecteur des eaux et forêts, à l'aide de cèdres de l'Atlas qui se sont très bien acclimatés. La partie supérieure est cependant dépourvue de toute végétation, spécialement pour la face sud, développant une impression lunaire comme l'explique bien Thierry Bientz, un baroudeur francilien, qui a eu l'idée originale de traverser seul toute la France en 2005 pour finir son périple... au sommet du Mont Ventoux : "J'ai découvert le Ventoux à la télé lors du Tour de France. J'ai immédiatement été fasciné. Surtout par la partie finale recouverte de ces caillasses toutes blanches. Grimper le Ventoux pour moi, c'est comme aller à la Mekke pour un musulman. Chaque ascension est unique, surtout quand on arrive dans le final sur la lune".
Depuis 1882, on y trouve un observatoire de la météorologie nationale. Un émetteur de télévision a été construit à son sommet, utilisant un pylône de 50 mètres. Un site internet réservé exclusivement au Mont Ventoux a été crée dernièrement : http://www.ventoux-tv.com/ !
"N'est pas fou qui vient au Ventoux. Est fou qui y retourne" affirme un dicton provençal !
Trois itinéraires d’ascensions sont possibles :
- Bédoin (sud) est la plus emblématique des ascensions et l’itinéraire emprunté par le Tour de France. À partir de la sortie du village, c’est 22 km et 1610 m de dénivelé, facile jusqu'à Saint-Estève, la pente se durcit pour atteindre une moyenne d’environ 10% pour les 16 km restants, avec le plus souvent un vent violent dans les derniers kilomètres
- Malaucène (nord) offre une difficulté un peu inférieure à l’itinéraire sud, avec 21 km et 1570 m de dénivelé, et on y est mieux protégé du vent
- Sault (est) est la plus longue et la plus facile des ascensions, avec 26 km et 1220 m de dénivelé
Le Tour de France propose régulièrement l'ascension de ce sommet, célèbre pour la raideur de sa montée tout autant que par la chaleur qu'il y fait en juillet. Le peloton franchit pour la première fois le Ventoux en 1951 au cours de l'étape Montpellier-Avignon remportée dans la cité des Papes par Louison Bobet. Charly Gaul en 1958, Raymond Poulidor en 1965, Eddy Merckx en 1970, Bernard Thévenet en 1972, Jean-François Bernard en 1987, Marco Pantani en 2000 et Richard Virenque en 2002 s'y sont notamment illustrés en gagnant chacun leur tour au sommet. Lors de l'édition de 1967, le Britannique Tom Simpson est mort, victime du dopage, le 13 juillet alors qu'il faisait l'ascension du Ventoux par une chaleur étouffante (35° C). Déjà en 1955, le coureur français Jean Malléjac y avait subi une grave insolation. Eddy Merckx lui-même eut un malaise lors de sa victoire au sommet en 1970. Après cinq années d'abstinence, le Tour de France repassera par le Mont Ventoux en 2007. Afin de rendre hommage à Tom Simpson décédé dedans il y a déjà 40 ans. Pour un nouveau spectacle fascinant sur ses pentes enfiévrées.
Le temps emporte tout... excepté le Ventoux ! "