I'm dancing in your head!!
I'm not GOGO-DANCER.
I'm not STRIPER.
I'm MODERN-GEISHA.
Presentation de soi.
BALLERINE
Je voulais etre ballerine. J'en ai fait sept ans. Mais ce n'etait pas mon monde. Je viens d'une famille pauvre de la province japonaise, d'une petite ville dans le nord, face a la mer et des ilots recouverts de pins, tellement jolis que le celebre poete Basho en est reste sans voix.
Si je n'ai pas continue, c'est parce que c'etait trop convenu. J'avais des idees comiques, differentes, que je pouvais appliquer. J'adorais la danse classique et c'est pour cela que j'avais des idees, de vetements, de figures, de decors, mais je ne pouvais rien proposer. Ce n'etait vraiment
pas democratique. Ces conventions figees ont fini par me degouter, et je suis partie chanter dans un groupe de rock.
J'ai enchaine quatre lycees, mes parents se sont separes, j'ai demenage a Tokyo. Toute mon adolescence, je me suis detestee passionnement, ainsi que mon entourage.
STRIP-TEASEUSE
En 2003, on m'a propose de faire des shows de strip-tease. Jusqu'a present, je n'avais danse sur scene que dans le cadre d'une troupe, noyee dans la masse des danseurs, simple element d'un ensemble. La, il s'agissait d'etre seule sur scene, pendant 20 minutes, et de me deshabiller en dansant. C'etait une occasion unique. Et me deshabiller ? Pas de probleme. Comme j'etais timide, ca m'excitait de devoir etre contrainte de me montrer nue. Qui plus est, que ces hommes, habilles, me voient nues sans pouvoir me toucher m'excitait encore plus.
Il y a deroulement codifie du strip. On enleve une couche a chaque chanson, et ca se termine soit en nu, soit en masturbation. Ce schema de base, immuable, qui definit le genre, est personnalise par chacun, au travers des vetements, de la gestuelle et de la mise en scene. Par exemple : la danseuse est un combattant dans une guerre intersiderale. Au fur et a mesure de ses combats contre les envahisseurs, elle perd ses vetements, dechires, brules par les rayons lasers ennemis. Et a la fin du show, elle fait l'amour avec un des extra-terrestres. Quant a moi, j'ai par exemple joue le role de la jeune veuve d'un soldat disparu au front, qui se masturbait en reniflant sa chemise. Ou bien je me deguisais en starlette d'Akihabara.
Chaque homme a ses preferences. On ne peut pas plaire a tout le monde. Je voulais donc me concentrer sur une partie du public ; qu'au moins un petit nombre de personne soit profondement touche par ma prestation. J'inventais des scenarios recherches, qui pourraient ebranler quelques-uns de ces messieurs.
De meme, une femme a plusieurs visages : la putain, la petite fille, la mere... Lors d'un show, on peut faire ressortir les differents aspects de la feminite pour plaire aux hommes. Mais on le fait aussi pour son propre plaisir, pour tester toutes ses potentialites. Parfois, comme en transe, la personne qui est au fond de soi et la personne sur scene se rejoignent. C'est un sentiment exceptionnel.
C'etait donc un metier passionnant, qui m'a beaucoup appris. C'est helas un metier en voie de disparition. Il n'y a presque plus de gens qui pourraient se contenter de regarder. Avec les bordels, la television, internet, il n'y presque plus de client. Du coup, les theatres de nus deviennent conservateurs, les shows se simplifient, il n'y a plus de creativite et l'on s'en tient aux formes figees. On donne la preference aux filles qui font des shows standards. On m'a vite reproche mes spectacles speciaux. Ca devenait de moins en moins interessant.
PERFORMER
C'est justement a ce moment-la que j'ai rencontre Adrien, par un pur hasard. J'ai du remplacer au pied leve une fille sur scene dans une soiree dans un club a Tokyo. Je detestais les clubs, aussi j'ai accepte par pure curiosite car il s'agissait d'une soiree fetish (SM). J'ai joue le role d'une lyceenne
qui grandit et devient prostituee. Mon show se terminait par une masturbation sur scene.
A ce moment-la, Adrien montait le concept des soirees Tokyo Decadance et m'a tout de suite demande de rejoindre son equipe car j'etais une pro. Personne ne m'avait jamais dit ca jusqu'alors et tout a pris sens pour moi. Je l'ai donc suivi.
Une difference immediate avec les strip, dans les spectacles a l'occasion des soirees Tokyo Decadance, c'est que je devais m'adapter a la musique que passait le DJ ; ce n'etait plus moi qui choisissais les morceaux et organisais mon spectacle autour. Je n'etais pourtant pas non plus une simple gogo danseuse, puisque je me deshabille.
Ca a ete pour moi l'occasion de montrer la femme, toute la femme, dans tous ses aspects : ses faiblesses et ses charmes. J'ai pu faire penser mon public a ce qu'est une femme. Parallelement, j'ai pu egalement me montrer moi-meme. Je suis masochiste, et donc j'ai autant besoin d'etre vue que de me montrer. Quand on me regarde, je me sens obligee de me deshabiller.
Grace a Tokyo Decadance, j'ai donc pu aller plus loin dans mes spectacles. J'ai appris a me produire dans un contexte moins convenu, tant au niveau de la musique que du public, et a improviser. J'ai aussi pu faire connaissance d'un public etranger, en l'occurrence le public francais. La reaction du public francais est moins une reaction de masse qu'une somme de reaction
d'individus. A ce titre, elle est beaucoup plus passionnante. Par exemple, le travail de gogo danseur est facile au Japon : le public suit par gentillesse. En France, c'est un vrai defi.
Ca m'a donne envie de relever ce defi francais et de me produire en France.
MODERN GEISHA
Une geisha, ce n'est pas quelqu'un qui porte un kimono et se peint la figure en blanc. C'est litteralement une personne (sha) qui possede des competences artistiques (gei) dans differents domaines : la danse japonaise, la musique, le port des vetements... Et c'est surtout, au-dela d'un simple savoir-faire technique, quelqu'un qui harmonise et fusionne ces differentes techniques pour modeler un talent et un style unique, qui devrait transparaitre a chaque instant, y compris quand elle marche ou quand elle respire.
C'est a cette vision artistique que moi-meme j'aspire. La beaute de la femme que le strip-tease sait mettre en valeur, c'est cela que j'aimerais transporter dans le monde des clubs. Inversement, la chair qu'on montre de facon brute, sans la mettre en valeur, cela m'attriste, comme un maquillage mal fait, une fete gachee. La mise en valeur de la beaute feminine, voila mon champ de travail, car je suis persuade que c'est un champ profondement artistique. Il m'est deja arrive de pleurer en regardant un strip-tease.
_
^3^ My style is the BEST!!