Écoutez les artistes, ils disent ce qui leur passe par la tête. C'est en tout cas la règle que Versatil se donne, quitte à forcer le trait des paradoxes qui émaillent leurs têtes sous le coup des humeurs et de l'histoire en marche.
Versatil, drôle de nom. D'ailleurs à bien les connaître, les membres du groupe sembleraient tout sauf inconstants. Depuis plus de dix ans, ils grattent, tapent ou pincent tout ce qui leur passe par les mains, sans temps-mort, poussés par une passion intacte pour la musique et ses exigences.
D'une petite aventure seine et marnaise post-lycée remplie de grosses guitares et d'histoires à coucher dehors, à Versatil, groupe mature et quasi-parisien, le changement a été subtil, les influences patiemment raffinées. Ici, tout s'allie et se défait jusqu'à l'arrangement, sobre et sincère. Entre temps, Radiohead s'est imposé tandis que sur la scène française s'enracinaient rock indé et chanteurs à textes, de Bashung à Daran, des innocents à Eiffel.
La musique de Versatil s'inspire de tous ceux-là sans renier un style qui, très tôt, avait trouvé sa voix. Mais que serait Piergy, chanteur-guitariste tantôt confidentiel, tantôt lyrique, sans Mask, compagnon de batailles aux riffs de basse ciselés ? Et Mask sans Nicolas, batteur enivrant aux rythmes décapants ? Des êtres versatiles sans doute. On y revient.
Surtout si l'on fouille du côté des textes : ici, on trouve la petite musique que chacun de nous cultive au quotidien, dans son for intérieur, une série de choix et de fantaisies qui oscillent entre " immaturité sereine et rage tranquille ", pour reprendre les mots de Piergy. C'est alors qu'il y'a versatilité, comme en chacun de nous, dans ce foisonnement d'histoires, chantées si elles le méritent, et seulement si. Le tempo rock y serait sûrement prioritaire si la vie était d'un bloc, mais Versatil s'arrange pour nous sortir des sentiers battus et se montre volage avec les schémas classiques.
Cet iconoclasme amène le trio à être aussi sincère en studio que sur scène, où les variations rythmiques autant que la richesse des anecdotes, nous poussent à sourire de complicité de trois là , ou à méditer sur la parcelle de réalité qu'ils nous montrent. Ce n'est pas la Révolution, juste des évolutions. C'est déjà si rare.
Xavier Colombani ( journaliste-chroniqueur )
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