Elever le débat, élargir la mobilisation... L'opinion publique et la société mexicaine ne sont pas restées passives. Des ONG locales et nationales et des femmes courageuses se sont réunies pour réclamer justice, employant toutes leurs forces et tous les moyens à leur disposition, et pour se battre, non seulement pour l'éclaircissement des crimes passés, mais aussi pour la prévention de crimes futurs. Les médias, pour leur part, ont fait des campagnes locales pour une "conscientisation" des femmes : "¡Ponte viva !" (Reste vivante) dit le slogan qui passe a la télé, à la radio, sur des affiches, avec des recommandations qui, dans un contexte moins dramatique, deviendraient ridicules : "Ne sors pas seule la nuit, ne t'habilles pas de façon provocatrice, essaies d'être toujours accompagnée"… Comme s'il s'agissait d'une campagne de vaccination! Une campagne pour éviter d'être violée et tuée, comme si ce menace était en quelque sorte déjà légitime! Tout cela est loin d'être suffisant, il s'agit d'une tuerie de 271 personnes : des centaines des femmes dont les vies leur ont été arrachées de la façon la plus sauvage et impitoyable. Tout le pays, et le monde entier, devraient condamner cette prédation et en réclamer justice. Ce n'est pas une affaire mexicaine. C'est une déprédation misogyne qui doit pousser tou-te-s ceux-celles qui ont des yeux, un cœur et une intelligence à exiger une action déterminante et concrète au gouvernement mexicain afin d'arrêter cette violence faite aux femmes du monde et au genre humain. Je ne saurais pas dire si la cruelle et inqualifiable tuerie de femmes et jeunes filles est plus ou moins effrayante que l'impassibilité et la stupidité des autorités qui ont été incapables d'assurer le droit à vivre en sécurité aux femmes de Juárez et du Mexique.
Tueurs de femmes à Ciudad Juárez C’est peut-être l’affaire la plus abominable de l’histoire criminelle de tous les temps. A Ciudad Juárez, ville frontière du nord du Mexique, jumelle d’El Paso (Texas), plus de 300 femmes ont été assassinées selon un rituel immuable : enlèvement, torture, sévices sexuels, mutilations, strangulation. Depuis dix ans, au rythme moyen de deux cadavres par mois, des corps de femmes, d’adolescentes et de fillettes, nus, meurtris, défigurés, sont découverts dans les faubourgs de la ville maudite. Les enquêteurs les plus sérieux pensent qu’il s’agit de l’oeuvre de deux « tueurs en série » psychopathes. Mais qui demeurent introuvables... La scène d’un des plus stupéfiants mystères criminels de tous les temps se nomme Ciudad Juárez, dans l’Etat de Chihuahua, à la frontière avec les Etats-Unis. Sa population, 1 300 000 habitants, est l’otage d’assassins sans visage. Ce qui s’y passe est une insulte aux droits humains. Depuis 1993, plus de 300 femmes y ont été enlevées, violées et assassinées. La majorité de ces femmes avaient des caractéristiques communes : une centaine au moins étaient issues de milieux pauvres, presque toujours ouvrières, toutes étaient menues, brunes et avaient les cheveux longs. La plupart n’ont pu être identifiées, toutes ont été victimes de violences sexuelles, et, sans exception, elles furent toutes étranglées...Certains cadavres ont été trouvés dans des quartiers du centre-ville, d’autres découverts dans des terrains vagues de banlieue, mais une chose est sûre : toutes ont été tuées ailleurs, après avoir été parfois séquestrées pendant des semaines.... Le modus operandi des assassins est identique à celui des tueurs en série. Les meurtres se répètent, se ressemblent, les sévices sont les mêmes et concernent non seulement des femmes adultes, mais également des adolescentes, et même des fillettes d’à peine 10 ou 12 ans.Pour toutes les femmes, Ciudad Juárez est devenu l’endroit le plus dangereux du monde. Nulle part, pas même aux Etats-Unis, où les serial killers sont légion, les femmes ne sont autant menacées. Dans le reste du Mexique, sur dix victimes de meurtres, une seule est une femme. A Ciudad Juárez, sur dix personnes assassinées, quatre sont des femmes... Et la série de crimes ne risque pas de s’arrêter, car, selon les Nations unies, l’impunité au Mexique est quasi totale. Il n’existe qu’une arme pour combattre un tel fléau : la mémoire, le témoignage.
Pour elles