C.R.A.Z.Y
Il était là , contre moi ; je sentais aux battements de son coeur que c’était une créature vivante, et la chaleur de son petit corps me brûlait. Il dormait contre mon épaule; je l’entendais respirer. J’étais gêné par la tiédeur de son haleine, mais je ne bougeais point de peur de l’éveiller. Sa tête délicate ballottait aux grands cahots de la voiture où nous étions horriblement entassés; les autres aussi dormaient encore, épuisant un reste de nuit. Certes oui, j’ai connu l’amour, l’amour encore et beaucoup d’autres ; mais de cette tendresse d’alors est-ce que je ne pourrai rien dire ? Certes oui, j’ai connu l’amour.André Gide – Les nourritures terrestres.