BoIMaRe eRICa, autoportrait, 2004, technique mixte
La nature, le paysage, l'autoportrait, autant de grands genres inscrits dans mon travail. Je me suis souvent demandé pourquoi ces "images mortes" m'ont autant imprégnées mais je crois que c'est le flot d'images qui déferlent dans notre quotidien qui nous invite a considérer ces images de jadis avec vénération et dans la perspective du souvenir.
Berlin par glissement de motif. La Fleur, l'autoportrait, la figure dans le paysage, Berlin par attachement personnel.
Il ne faut pas chercher des liens entre les choses. Il n'y a pas de rapport entre Berlin et la fleur. Ma vie est ma source de travail.
Selon Philippe Cognet, plus un sujet est neutre, plus il questionne le sens des images, d'où la question de la limite du sujet.
LA QUESTION DU SOUVENIR.
Berlin, la ville, le paysage urbain m'a amené à réfléchir sur autre chose, à poser un questionnement, une problématique allant au delà du simple sujet.Berlin m'a amené à faire état de ma mémoire et donc à réfléchir à mon rapport à la photographie. J'ai choisi de donner à voir de la peinture et non pas un travail photographique pour exprimer une réflexion sur la mémoire car comme le disait George Grosz: "Dieu merci, on ne photographie pas les souvenirs." Et puis la peinture est la grande référence de la mémoire. Aujourd'hui, il y a plusieurs médiums mais c'est toujours la même chose pour la peinture, construire et déconstruire. C'est exactement ce que je fais. La peinture n'est pas à part des autres médiums, elle a le droit au même regard, au même accès que lese autres arts numérique et c'est dommage qu'elle n'y soit pas plus souvent mêlée. On dirait qu'il y a des défenseurs des arts numériques, c'est absurde, l'art n'est question que de regard, de sensibilité, de rapport au monde. Le rapport ne passe pas par le médium. C'est l'artiste qui choisit le médium, pas le spectateur.
Même si ce travail sur la mémoire est un moyen pour moi de me détacher de l'image photographique et de sa représentation, elle apparait tout de même coller, rajoutée a certains endroits de la toile. C'est un choix volontaire ou la photographie et la peinture ce mêlent dans un même champs d'action. Je cherche à mettre en tension dans l'espace délimité de la toile photographie et peinture, abstraction et figuration.
C'est la dimension interrogative de la pratique qui tient le point de départ incontournable de toute entreprise créatrice et non le discours préalable.
Par une rupture d'échelle significative entre les éléments peints, la volonté figurative disparait peu à peu pour laisser place au morcellement d'image. Le découpage de la toile initiale m'a permis de faire l'expérience de la spatialité du tableau. D'abords analysés, dessinés, puis peintes, mes toiles sont ensuite décomposées pour être réduites à leurs caractéristiques essentielles. Le reconstruction du souvenir dans l'espace de la toile. Du fractionnement des images naissent sans cesse de nouvelles images.
Par recouvrement de la surface en plusieurs étapes, j'accumule sur la toile des couches successives de mémoire. Mais je préfère parler de souvenir car il y a dans mon travail une dimension autobiographique et affective. L'image qui résulte est l'image composite résultant de la superposition de toute les autres. Le sampling est assurément une technique de base. Chez certains, même il est une condition qui permet d'architecturer le chaos des images.
LE RECOUVREMENT PICTURAL
"La photographie est transparente à mon sujet".
Je tire de la photographie un élément topographique. Je l'utilise comme un simple et passif document· Je met en place un dispositif de mise en lumière qui me sert à me libérer d'un certain nombre de contrainte lié à la peinture telle que la composition et de dessin. La photographie est un moyen mécanique de prendre pieds sur la réalité. Le processus de réalisation est important dans mon travail, la peinture visible portant en elle la trace de la vidéo-projection.
Mais il ne s'agit pas d'un procedé froid et mécanique. L'oeuvre devient peinture lorsque le travail de mémoire s'opère. J'injecte alors la sensation, le vivant, le souvenir, le caractère autobiographique qui fait de la toile un objet en perpétuelle évolution. Un peu à la façon d'un Work in progress. C'est d'ailleurs ce qui fait que les tableaux très anciens continus à être très contemporains. Lorsque la lumière du vidéo-projecteur s'éteint, la magie s'opère. Mon travail de peintre consiste alors à lier , à coaguler, à faire en sorte que les tâches de lumières se lient avec les tâches d'ombres.
Mon travail s'articule donc autour de deux processus de créations bien distincte mais tous deux liés à la photographie. La fragmentation et la superposition.
Pour cette série de peinture, je calcule, le cherche la gamme colorée, la composition, le collage, l'accumulation, il s'agit d'un travail de recherche de peinture dans laquelle le tout constitue le fragment et le fragment le tout. Berlin n'est pas un décor dans lequel s'inscrirait une figure, mais il est source d'un travail sur la mémoire. Les toiles se succèdent mais ne raconte rien, aucune volonté narrative. J'utilise une gamme colorée neutre, sourde, une gamme en mineur qui accentue cette sensation de mélancolie.
EN QUOI NOTRE MÉMOIRE FORME T-ELLE NOTRE REGARD?
Selon Fred Kleinberg "la mémoire n'est pas linéaire, elle n'est pas dans une logique historique", elle ne se soucie pas obligatoirement de l'enchainement temporel des images.
Ce n'est ni Berlin, ni la ville que je cherche à tout prix à montrer, je me sers de tous ceux-là pour représenter une chose peinte qui rend un son tout intérieur et qui s'appelle l'impage.
La mémoire est obligatoirement subjective, ce qui me laisse la liberté de peindre des images plus abstraites et de ma détacher du support photographique. La mémoire est affective et magique, elle se nourrit de souvenirs flous, télescopant, globaux ou flottants, particuliers ou symbolique, sensible à tous les transports, écrans, censures ou projections.