Les Jaguars

Vitres baissées, manches courtes, guitares croustillantes en plein air, c'est l'été, le temps, l'espace.................................................... ...................... Dans ma bopite à écho, l'été 1994 résonne, formidable. Fin juin, je suis retourné à mes sources, au Saguenay, après une absence de quinze ans. Tout m'a paru beau. Vivant. Particulièrement Arvida, la ville de mon enfance. Quelques jours plus tard à Montréal, j'ai revu les Jaguars, héros de mon adolescence saguenayenne. Tout m'a paru beau.......................................... Au petit restaurant du coin, fin 1963, Supersonic Twist des Jaguars brassait le juke-boxe prendant que je tapochais la machines à boules. Le samedi soir, on allait danser. Timides dans notre habillement sobre, voir les Jag's entrer en habit fauves mouchetés de taches noires, ça commendait le respect!.................................................... ................................................ Mais il y a une faille. Les Jaguars eurent un succès immédiat avec Mer Morte. Pour leur malheur, c'était à peu près en même temps que les Beatles triomphaient. D'où rapidement un déficit esthétique: les rock ne se consevait plus sans le chant. Dès 1966, les Jaguars rentraient dans l'ombre................. Lors de diverses réincarnations antérieures du groupe, j'avais refusé de voir et d'entendre ces ''nouveaux Jaguars''................................................... .... Le 2 juillet 1994, Sylvain Cormier signalait dans le devoir un spectacle des Jaguars au Quai des Brumes. Sa collègue Guylaine Maroist officiait dans cette nouvelle mouture. Une journaliste guitariste ? C'étais suffisant pour piquer ma curiosité.................................................. .................................. Ce soir-là au Quai, il n'y avait pas que de la brume dans mes yeux. Un miracle quelconque avait préservé Arthur Cossette. Il était là, imperturbable comme une cathédrale.Il ne s'est pas adapté, c'est la vie qui l'a finalememt reconnu..................................................... ............................................ J'ai revu les Jaguars un soir d'été 1995, lors d'une vente de trottoir sur l'avenue Mont-Royal. Devant la station-service, on avait installé une scène rudimentaire. Avec les néons blancs et rouges en arrière-plan, le décor avait tout le bon goût moderne et early rock'n'roll qu'il fallait. Les Jaguars furent parfaits.................................................... ............................................... Greg Shaws écrivait dans le Rolling Stone Illustrated History of Rock'n'Roll, en 1980: ''Je soupconne que le rock instrumental va revenir faire un ultime apparition avant que ne se termine l'histoire du rock'n'roll ''. Eh bien, il avait raison !........................................................... .......................................... Apparu en 1957, le rock instrumental a connu sa dernière heure de gloire avec la surf music en Californie, en 1963, l'année des Jaguars justement ! Ce qu'on appelle maintenant le surf rock, genre auquel s'identifient les Jaguars contemporains, connaît un net regain de popularité avec le succès de Pulp Fiction..................................................... ...................................... Le rapprochement entre un groupe originaire d'Arvida et la surf music n'est hétéroclite qu'à première vue. Colonisée seulement à partir de 1838, la région du Saguenay Lac St-Jean est en quelque sorte une dernière frontière de l'Amérique, le versant Far Est de la Californie ! La confiance collective en soi est toujours forte. Et le Lac St-Jean en est la mer morte, lieur de repos pour ces gens à l'enthousiasme naturel..................................................... .. Le reste, c'est l'histoire qui se poursuit. C'est ce disque. C'est la victoire des fauves au fil du temps et de l'espace.................................................... ...... Robert Saucier
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