About Me
Je suis une légende ratée, qui rôde dans les bistrots,
un apache égaré ivre d'une rage maladroite et molle.
L'estomac qui grince et la cage thoracique rouillée,
poumons brûlés, coeur crevé, sang pourri.
J'eus, de mes ancêtres les pioches, l'intelligence pratique.
Y'a guère que les singes qui soient plus humain que moi.
Ma gueule des mauvais jours, c'est ma gueule de tous les jours,
juste un ange injurieux qui trépigne :
"Bordel, tout va trop vite, même le temps à l'air dépassé."
On dit que mes bras et mon ventre sont inutile, c'est juste.
Même à moi ils ne me servent pas, et il n'y a pas de raison que ça change.
Ca fait plaisir aux bourgeois, et c'est le cadet de mes soucis.
Je suis pas un faignant, moi : on m'a vu encore en première ligne.
Je ramasse des énigmes sans solutions,
Pour diluer la merde qu'on a mit dans mon crâne.
Je mange vite, je bois lentement, je l'écoute parler : je ne comprend pas.
J'étais pratique, j'en avais bien l'air,
Anatomie conventionnelle vue de l'extèrieur.
Un sac de peau tendu sur des os, de la viande pour rembourrer,
Des organes, sans originalité, on les trouvait là ou on les attendait.
La même machine magnifique que celle qui bâtit des empires.
Oui mes voila, la fatalité ma jeté loin des empires.
J'ai pas les mains du prince, juste des yeux de charbonnier,
Et mes cheveux rejettent les couronnes qu'on leur propose.
Ce qui ne m'empêche pas de mourrir ne retient pas mon attention.
Je n'aurais pas de rejeton, je me (perpé)tue tout seul,
je m'écris au milieu de nulle part.
Voila pourquoi j'étais à peu prés parfait.
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Je suis un sans-classe,
Sans-nation,
Sans-tribu.
Je vis à vingt siècles de là .
Vous voyez -
Tout simplement -
L'homme du futur.
Mon but :
Embraser le foyer insoumis de votre âme.
Il est dur
De marcher à tâton dans la nuit,
Il est dur de faire tentative de vie
Quand on est seul.
Ecoutez
Le Nouveau Sermon sur la montagne :
Impatients, vous attendez votre sommet ?
Il n'y en a pas !
Vos rêves dorés vous ont leurrés.
Les Ararats
N'existent pas.
Et alors !
Si la montagne ne va pas à Mahomet,
Qu'elle aille au diable !
Je ne fais pas l'article, la retape, la réclame,
Je n'appel pas à grossir le troupeau
Du bétail zélé
Des jeûneurs sans malice,
Suçant du thé sans sucre
Dans le "Jesus's Paradise".
Je proclame :
Ciel sur la terre,
La vrai terre,
La terre des prolétaires !
Pas le ciel affamé des Simons et des Pierres,
Le ciel creux
Du petit Jésus-Christ !
[...]
Mon paradis appartiens à tous
Sauf aux pauvres d'esprit,
Carêmes-prenant qui font la semaine
Des quatre vendredis
Et maigre le mardi-gras ;
Enflés, blafards, énormes comme la lune !
Un chameau passera plus facilement par le chas d'une aiguille
Que n'entrera chez moi ce ventripotent !
A moi
Celui qui plante son couteau jusqu'Ã la garde
Et s'en va en chantant.
Celui qui n'a pas pardonné
Entrera le premier dans mon royaume terrestre.
Ceux qui ne sont pas
Des bêtes de somme, de trait, de bât,
Ceux qui ne s'y font pas
Et qui se sentent à l'étroit,
A eux
Mon royaume terrestre.
Et sachez-le :
Le ciel n'en sera pas !
[...]
Où ?
Vous attendez
Qu'on vous en chante les merveilles...
Mais il est ici,
A portée de bras,
A portée de main,
A portée de votre main.
Où sont ils ?
Que font ils, vos bras,
Repliés en inutiles croix ?
Vous vous terrez
Comme des gueux misérables et gelés,
Quand vous avez
L'hégémonie de l'univers !
Des relents de tempête
Font frémir la mâture du bateau ?
Vouez la nature aux gémonies !
Vous vivrez au chaud,
Dans la lumière,
Cette douce lumière de la terre,
La vague vous battra le briquet électrique.
Si votre nef a la colique,
Si votre quille racle le fond des eaux,
Ne craignez rien -
Mieux que trèfle ou sainfoin -
On y trouve la houille -
Notre pain quotidien.
Laissez hurler le vent diluvien
Et craquer vos coquilles de voix.
Prenez vos bras,
Le gauche,
Le droit, -
Le salut est là .
J'ai fini,
La parole est à vous.
Je me tais.
Tirade de "l'Homme" - le Mystère Bouffe - Acte II
V. V. Maïakovski (1920)
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Est-il convenable pour Monsieur le Globe Terrestre
(Que sa volonté soit faite ! )
D'encourager un cannibalisme général dans les limites de son domaine ?
Et n'est-ce pas le sommum de l'abaissement
De la part de gens destinés à être mangés
Que de défendre leur Mangeur suprême ?
Ecoutez, même les fourmis
Eclaboussent d'acide formique la langue de l'ours...
V. Khlebnikov -
Appel des Présidents du Globe Terrestre
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"On est tous enfermés pareillement dans notre viande et dans les murs. Mais eux, à l'extérieur, qu'est-ce qu'ils attendent pour devenir fous ? Les princes qui paradent, ceux qui peuvent tout s'acheter avec leurs dollars, on comprend qu'ils résistent. A la rigueur. Mais les autres ?... Hein, Schmollowski ? Les autres ?..."
A. Volodine -
Bardo or not bardo
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Je n'aime pas les pauvres. Leur existence, qu'ils acceptent, qu'ils chérissent, me déplaît ; leur résignation me dégoûte. A tel point que c'est, je crois, l'antipathie, la répugnance qu'ils m'inspirent, qui m'a fait devenir révolutionnaire. Je voudrais voir l'abolition de la souffrance humaine afin de n'être plus obligé de contempler le repoussant spectacle qu'elle présente.
Je ferais beaucoup pour cela. Je ne sais pas si j'irais jusqu'à sacrifier ma peau ; mais je sacrifierais sans hésitation celles d'un grand nombre de mes contemporains. Qu'on ne se récrie pas. La férocité est beaucoup plus rare que le dévouement.
Georges Darien
La Belle France - 1898
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