POPCOMMANDO AGENT (SNIPER)
Quand la vérité est trop faible pour se défendre, elle doit passer à l'offensive.GYMNASTIQUE ET POLITIQUEVENDREDI 25 MARS 2005 20H45L’arrivée d’une compagnie de CRS est annoncée pour évacuer - c’est la deuxième fois de la semaine– une bonne soixantaine d’élèves occupant le gymnase de leur lycée en réaction à la loi Fillon.
Le choix de l’occupation du gymnase résulte du refus que les élèves se sont vu opposer à leur demande d’une salle pour tenir des assemblées générales. L’école de la République n’aime pas que les élèves prennent la parole, fassent circuler le sens, pensent. Occuper le gymnase, c’est alors se réapproprier la parole et la pensée (qu’on leur interdit ou dénie, puisqu’ils sont mineurs, puisqu’ils ne votent pas) et inventer un nouveau lieu pour l’émergence d’idées politiques et de principes. C’est sans doute investir le champ de la politique avec beaucoup d’insolence et d’aplomb. C’est le côté pop de leur intervention.
Des petits groupes discutent, éparpillés ici et là dans un gymnase qu’ils ont soigneusement rangé avant la bataille. Ca parle toutes les langues, ça parle de tout. Pour l’instant, ça ne ressemble pas à grand-chose : F. porte son chapeau de berger des Pyrénées et, à cause de son appareil dentaire, zozote son scepticisme envers les syndicats lycéens qui pourraient bien négocier avec le gouvernement; M-O qui vient de se faire couper ses dreadlocks par A et ressemble à un poussin, propose des bouts de gâteaux retrouvés au fond de son sac de couchage; H., kéfié autour du cou, foulard sur la tête, béquille au bras, boîte à travers tout cet espace pour ranimer ceux qui s’ennuient ou vont s’endormir, énergie dispersée. Multiplicité évidente du commando.
Arrivée de la compagnie de CRS imminente : les élèves se rassemblent au centre du gymnase, s’assoient, s’enchevêtrent ensuite les uns dans les autres en enfilant des manches d’habits qui ne leur appartiennent pas, nouent leurs lacets aux chaussures d’un autre, et attendent. De toute façon, ils ne peuvent plus vraiment bouger. Fin de l’hétérogénéité, l’essaim nerveux s’est constitué en un corps politique homogène.Arrive une compagnie de CRS aussi nombreuse que les élèves, en armure de plaques, solide sur ses appuis.
Premier temps : impuissance des forces de l’ordre face au rhizome humain, traversé de nombreuses forces centripètes, contorsions au ras du sol.
Deuxième temps : les CRS réussissent à défaire partiellement la grappe d’élèves.
Troisième temps : évacuation ultra brutale. N. finira à Bichat.
Le caractère éphémère du corps ainsi créé ne diminue en rien la force de sa résistance à la logique policière d’une part et à celle détraquée de l’Etat par ailleurs. Ils savent qu’ils ont ouvert le champ des possibles en tenant bon, en n’étant pas à leur place.
Dernier temps : bien plus tard dans la nuit, après une assemblée dans la rue, les élèves ont à nouveau escaladé les grilles du lycée et ont occupé le gymnase toute la nuit. La police, elle, n’est pas revenue. Vivacité du commando qui se recompose à l’envi.Un pop commando de gymnastes en somme : funambules évoluant sur un fil suturant l’illégal au légitime, danseurs de la pensée spontanée, acrobates souples et fermes. Légèreté et puissance. Popcommando.
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