reynolds

C'était un rendez-vous, 1976 (Claude Lelouch)
Mercredi 19 janvier 2005, 23h23, Boulevard de Clichy, au Joys. La sérénité est partout dans ce lieu. L'amour aussi. Normal pour un ancien peep show reconverti en squat d'artistes.
C'est une scène ouverte de slam qui ce soir occupe les esprits des amateurs d'underground cra-cra. Du monde, une salle comble, moite. Les murs suintent et transpirent. Sur scène, succession de conteurs. C'est au tour d'un grand black, Aimé Nouma. Il nous raconte ses histoires d'amour de rues, ses rencontres violentes mais pleines de tendresse.
Derrière moi, tel une ombre bien visible, un grand bonhomme aux cheveux gris et longs, au visage sec mais dont les yeux roulent de plaisir. Sa nervosité m'étonne...Mais ma mélancolie du moment me fait oublier rapidement cette image.
"Viens voir mes essais", me dit Géraldine. Couleurs, mélanges, chimie et alchimie des produits....Le résultat est étonnant. Près de moi une inconnue admire aussi les oeuvres de l'artiste, me regarde, m'adresse quelques commentaires. Je lui répond simplement par un sourire alors qu'elle me tend un papier photocopié, en noir et blanc, un peu cheap à vrai dire. Seulement, la signature m'interpelle immédiatement: "Amour"; d'une typo reconnaissable,blanche, toujours soulignée...Manifestement perturbé, je lui dis: "Euuuuuh, vous le connaissez?"Silence... Regard complice de la femme. Esquisse d'un sourire qui en dit long. Les yeux scotchés sur le mot magique, le coeur battant, je me sens quitter un instant le monde des vivants. Si rapidement. La femme me prend alors l'épaule, me fait pivoter afin que je me retourne pour me trouver nez à nez avec l'homme aux cheveux gris...
Il me regarde, l'oeil vif mais l'air triste, comme moi...Un petit souffle s'approche de mes oreilles et j'entends: "C'est lui, Amour..."....
J'ai le vertige.
Sans pouvoir me contrôler, mes yeux, plus brillants que jamais, laissent s'échapper des larmes chaudes et salées. Les pleurs laissent rapidement place aux sanglots.
"Je suis comme toi ce soir. Je ne suis pas bien" déclare alors Shakyamuni, alias Amour, alias Jean-Luc Duez. Il poursuit en disant: "Mais j'ai quand même suffisamment de force pour te faire plaisir". Suis moi. Loin de la dimension des vivants, coupé de la fête dans ma bulle onirique, je suis l'homme au milieu de la foule. Il sort un posca blanc de sa poche, et sur le revers d'un dossier de chaise, pose son mot-oeuvre d'art mille fois répété. Amour. Amour. Amour... "Je le fais pour toi". Il me sert dans ses bras.
Je pleure toujours autant en lui glissant un merci plein d'émotion.
J'ai vomi dans mes cornflakes, 2004 (Pierrick Servais)
La Tatane, 1993 (Elie et Dieudonné)
Osmose, 2004 (Raphaël Fejtö)