Ligne D'Hiver

L'histoire commence au cours de l'année 1983 .Le lieu est Radio-Congas, une des premières radios «libres» de Rennes où, pour citer Loïc (D'Hiver): « J'étais animateur d'une émission appelée «Lobotomy ». Frédéric Hameury était un de mes auditeurs assidus, doublé d'un animateur sur cette même antenne. Nous nous rencontrâmes donc, nous appréciâmes et ne nous quittâmes plus.»(1)
Loïc, qui passe la semaine à Paris, en ramène & fait découvrir à Frédéric des artistes, souvent français ou allemands, aussi divers et hallucinants que Vox Populi, Costes Cassette, Ventre, Die Partei, Die Krupps...Les 2 compères programment alors ce qu'ils considèrent être la crème de l'afterpunk, de la Cold Wave et du son underground de l'époque, avec un net penchant pour l'industriel chez Loïc et davantage d'intérêt pour la No Wave chez Frédéric. Celui-ci joue déjà à l'époque de la basse dans SARAJEVO, sur les cendres duquel va plus tard émerger 1-2-3, futurs La Société des Timides à la Parade des Oiseaux , compose et a aussi envie de tâter du synthé et de la programmation. Suite à la découverte que Loïc chante et écrit, l'idée d'un duo rennais résolument « Cold Wave » se fait jour et, malgré les difficultés liées à l'absence de Loïc du lundi au vendredi pour cause d'activité professionnelle à Paris.
LIGNE D'HIVER naît début 1984. Pour ce qui est du nom, la parole est à Frédéric: « J'ai trouvé ce nom pour désigner dans l'urgence un groupe destroy très éphémère formé un soir et déformé le lendemain, avec 2 membres de SARAJEVO et moi-même, jouant principalement sur la saturation de TOUS les instruments. Rien à voir avec ce qu'allait devenir LIGNE D'HIVER avec Loïc. Ce nom m'est venu comme une image, fulgurante.»(1) Heureusement ce nom plaît à Loïc et les compositions commencent à s'accumuler. Des rencontres à l'Université de Rennes II où Frédéric est étudiant mène à la création d'un décor musical pour « Belacqua ou la métamorphose », oeuvre théâtrale qui sera représentée notamment les 5 et 7 Avril 1985 à Lorient (Morbihan) dans le cadre du festival « Interferons», avec le premier concert de LIGNE D’HIVER le 6 Avril .
Un des souvenirs les plus marquants pour Frédéric est celui d'avoir parcouru Rennes-Lorient en Austin Mini avec un amplificateur pour basse sur les genoux! Curieusement il ne se souvient pas du voyage de retour. Le dernier soir de «Belacqua» se termine par un boeuf entre LIGNE D'HIVER et DA VINCI , duo nantais. Suite à l'aventure lorientaise, Carole Renaudin, co-créatrice et co-actrice de «Belacqua», se joint à LIGNE D'HIVER pour un concert à l'Université de Rennes II le 18 Avril 1985 lors du festival « Les Nuiz’Actuelles » - avec Benoît Careil (alias Mr Bing) officiant temporairement au synthé, Frédéric étant trop pris par la basse. Le rôle de Carole se cantonne à des contorsions dans une cage, mais bientôt elle fera les choeurs dans « Black Monday ».
N.B. C'est de ce concert qu'est extrait « Crime Passionnel », qui épitomise le style désespéré et paroxystique de Loïc. Très vite après, le duo enregistre « They Want Your Brain » et « Tired » dans le studio 8-pistes de l'Université puis, après une performance à deux avec le concours de bandes pré-enregistrées au KALIKO à Rennes, se met en quête d'un troisième membre au synthé: ce sera Marc MATHEY, plus connu aujourd'hui sous le pseudonyme d'ALGO. Ce dernier compose « Fast Cities » avec le concours de Frédéric à la basse, puis c'est le début d'une période de composition pour Marc et Loïc pendant que Frédéric se met au vert en Grande-Bretagne: l'automne 1986 verra naître « Kokoschka » en hommage au peintre, « Exception » avec un dernier tour de piste de Loïc à la guitare avant qu'il ne se consacre uniquement au chant , « Titihoya », qui paraîtra sur la compilation-K7 « Not Apartheid! » chez Fraction Studio, "Naufrage", etc. Un proche de Loïc, Eric Mausse, met son talent au service des aspects visuels (photos, affiches, dessins...) à associer à Ligne D'Hiver.
En 1986, la compilation « Gilded Fall », produite et éditée par l'A.R.P regroupe "They Want Your Brain" "Titihoya" & "Fast Cities". Par ailleurs, la compilation « LES SST EN VIE » , produite et éditée par PSYCHEDELIRES affiche "Tired" . Dès le début de l'année 1987 et suite au départ de Marc, LIGNE D'HIVER recrute un brillant guitariste/synthé/compositeur en la personne de Lord De Vere (alias Jean-Luc Tessier) qui, fan de Depeche Mode, va apporter au groupe des mélodies et des compositions nettement plus « Pop »: « Black Monday », mais aussi « Walls & Bridges » avec Frédéric, « Deauville » complété par Marc Mathey, auxquels viennent s'ajouter des arrangements de toute beauté sur "Crime Passionnel" ainsi que sur une ancienne chanson inspirée de "1984" de George ORWELL & intitulée « Pourquoi? »: ce sont ces 4 titres que LIGNE D'HIVER enregistre dans la campagne bretonne en 24-pistes courant 1987, avant de se lancer dans une série de concerts en trio, voire en quatuor avec Carole Renaudin aux choeurs et à l'expression corporelle: en Mars 1987, pour le premier concert public organisé par la FNAC de Rennes, la toute jeune TV-Rennes leur consacre quelques minutes d'émission & Radio France Armorique les invite pour une interview. S'enchaînent le 20 Avril au café/concert l'Evasion à Janzé (35), le 9 Mai lors du tremplin « Rock'n'Solex » de l'université de Rennes I, un grand souvenir pour Frédéric qui y rencontre Malka Yoyo Spigel, bassiste de Minimal Compact, le 15 Mai à la discothèque «Les Fleurs Du Mal» à Cesson-Sévigné (35) en première partie du groupe Movement , et enfin une participation en Septembre au tremplin « Sésames de la musique » à Angers (49).
Lord De Vere quitte LIGNE D'HIVER fin 1987 et le groupe continue pendant quelques mois avec un séquenceur, des synthés plus puissants et Franck Divet à la guitare (présent, et avec quel talent, sur la version 24-pistes de « Pourquoi? » - voir + haut). Un concert avec cette nouvelle formation a lieu dans un bar rennais en juin 1988. LIGNE D'HIVER cesse définitivement toute activité début 1989, Loïc souhaitant consacrer plus de temps à ses activités syndicales et Frédéric étant sous les drapeaux. Une belle histoire qui aura duré 5 ans et dont on trouve également des extraits dans les fanzines Acide Sédatif ( Numéro 3, Décembre 1985 ) et Psychédélires (Numéros 3 & 4, été 1986). (1) : extrait du Press-Book.
Par Loïc D'Hiver & Frédéric Hameury