COLLECTIF Jeanne&Alexandre

Je m'étais retirée dans ma chambre, à l'étage. Elle était baignée dans une lumière sombre, une pâleur grise de celles qui m'inspirent. L'appareil photo argentique est posé sur la table en noyer. Je descends dans les rues à l'affut d'images urbaines, que je trouve les plus belles. Un mur au crépit délabré, un portail ancien, attaqué par la rouille, duquel déborde un jardin inattendu, un sanglot devant un mur de graffitis, une friche industrielle ou une zone laissée à l'abandon, un hangar vide aux vitres brisées, aux portes arrachées...Jeanne par Alexandre. ...Il. Est. Arrivé. Je le distingue à peine, les ombres s'entremèlent sur son visage. Il m'attend. Il a posé sur son corps un beau manteau de laine. Il a posé sur sa tête une gavroche de cachemire. Il est en face de moi. Il sourit. Et ce sourire me donne envie de sourire à mon tour. Il fait nuit. Une nuit profonde. Noire, il fait froid, je frissonne. Je souris. Seules quelques lumières l'éclairent, des lumières douces mais glaciales vertes et bleues jaunes blanches et grises. Elles se reflètent dans ses yeux noirs, dansent dans l'eau salée qui les habite. Oui, je vois ces couleurs dans son regard. Non je ne rêve pas. Dans ses yeux, des reflets, des images floues, qui tremblent, sourient et pleurent. Dans ses yeux, le ciel. Les nuages. Il va vers le froid, aime se perdre dans la profondeur de l'obscurité, s'ennivrer de ces lumières à bout de souffle, vitrines illuminées devant boutiques fermées, rideaux baissés, mannequins figés, il est tard nous sommes seuls. Mais. Les miroirs dorés reflettent son visage rougi, balayé par le vent_mes cheveux dans les yeux_ une gavroche qui s'envole. Il parle de ces lumières de leurs couleurs. Il parle. De ces images qui pourraient soudain tout figer. Le froid et le vent, les lumières tristes et la ville qui se tait. Une ville qui s'endort. Car. Il aime son sommeil. Les maisons qui se découpent dans le tissus du ciel. Il y contemple des fantômes, des corps chutant dans la lumière. Et je le regarde. Lui. Il.Alexandre par Jeanne.