Chercheur, écrivain et orateur, historien auteur de nombreux travaux et articles sur les institutions, la guerre et la religion dans la Grèce ancienne, Raoul LONIS s'est particulièrement interessé à l’attitude des Grecs envers les étrangers. Universitaire né en 1933 à Trinité en Martinique, il a enseigné l’histoire ancienne à l’université de Dakar, Sénégal, pendant 18 ans, après avoir accompli des études supérieures d’Histoire à Paris. Sa passion pour les livres et son don pour le Grec ancien et le Latin l'ont invité à une longue exploration dans les ‘Odysses’ de la littérature Grecque, qu'il a racontée dans cinq ouvrages majeurs :‘Les usages de la guerre entre Grecs et barbares’ (1969). ‘Guerre et religion en Grèce à l’époque classique' (1979) ; à la publication de cet ouvrage, sa thèse d’état, il a quitté le continent Africain pour la France où ses enfants et sa famille avaient choisi de vivre. Professeur aux universités de Paris la Sorbonne et Nancy II il a enseigné l’histoire Grecque, puis édité deux volumes sur ‘L’étranger dans le monde Grec’ (1988 et 1992), reflet des deux colloques sur l’étranger à Nancy à cette époque. On lui doit en outre un dernier livre sur les institutions des cités Grecques, ‘La cité dans le monde Grec’ (1994-2000), remarquable ouvrage de précision et d’accessibilité."Pour un Grec, vivre dans une cité, c’est avoir le sentiment de compter dans sa communauté, c’est ne pas être laissé à l’écart de ce qui se dit ou qui se fait au nom et dans l’intérêt du groupe, c’est se sentir associé, même au niveau le plus humble, à la gestion des affaires publiques, et trouver là l’occasion d’affirmer son identité d’homme responsable. Au fond n’est-ce pas cela aujourd’hui, être citoyen ?" (R.Lonis, La cité dans le monde grec.) Voir aussi :LUXMEALEX - écrits du Pr. LONIS - ..........................DES HOMMES : "Une cité, c’est d’abord un groupe d’hommes. Au demeurant, pour la désigner, les textes officiels (décrets, traités, conventions, etc.) n’utilisent pas l’expression : « Athènes », « Thèbes » ou « Corinthe », mais « les Athéniens », « les Thébains » ou « les Corinthiens ». Toutefois, les hommes qui composent ainsi la cité ne se définissent pas comme de simples résidents, ils ont choisi d’y former une véritable communauté, celle des citoyens. Pour reprendre la forte expression d’Aristote, la cité est un groupe d’hommes réunis par un « parti pris de vie commune » (tou suzên proairésis). Sa cohésion est assurée par un passé historique ou mythique commun, par des cultes pratiqués dans des manifestations collectives et par des lois qui régissent impérativement la vie du groupe. Précisons que cette volonté de vie commune ne préjuge en rien de la constitution qui est adoptée, car l’oligarchie, la démocratie, ou la tyrannie sont autant de régimes compatibles avec la cité."(…) on ne peut comprendre l’originalité de la polis grecque que si l’on tient compte de cette triple composante : le choix que font les hommes de vivre ensemble, l’enracinement de cette communauté dans un territoire, et enfin l’acceptation de son identité par ses partenaires étrangers (…)- La Cité dans le Monde Grec.................... LE BESOIN D'UTOPIE : "L'utopie a toujours tenu une place importante dans la pensée grecque. Aussi l'aspiration à une cité idéale n'a pas toujours pris la voie de la réflexion, mais s'est parfois exprimée à travers la franche utopie. Cette utopie peut revêtir deux formes : le regret d'un âge d'or conçu comme celui d'une cohabitation paisible etre les êtres humains, d'une vie sans travail prodiguée par une nature généreuse, et la nostalgie d'une promiscuité heureuse avec les dieux, avant que la faute de Prométhée ne compromette cet ineffable bonheur. C'est cette époque révolue que chante le poète Hésiode (Les Travaux et les Jours, 109-126) et après laquelle soupireront à sa suite bien des poètes. L'autre volet du fantasme utopique est la description de prodigieux pays de cocagne où l'abondance des ressources s'allie à la sagesse des hommes et à la bienveillance des dieux pour en faire le pays des Bienheureux. Il en est ainsi des contrées fabuleuses habitées par les hommes du bout du monde comme les Ethiopiens d'Hérodote (III,20,24) ou les Hyperboréens de Callimaque (Hymne à Délos,278,290. La même description enthousiaste est faite de la société indienne par Mégasthène, ambassadeur de Séleucos Ier à la cour de Chandragoupta (Diodore,II,39,5), ou de ces îles du soleil qu'auraient visitées le navigateur Iamboulos et ses compagnons (DiodoreII,57,60), ou encore de l'île de Panchaia, au large de l'Arabie heureuse, dont Evhémère de Messène (d'après Diodore, V,42-46) nous vante l'excellence des institutions et du système social. Mais à côté de de la franche utopie dont se nourrit le mythe ou la fiction romanesque, n'y a-t-il pas eu aussi, si l'on peut dire l'utopie raisonnée des philosophes ? Même si elles sont le fruit de savantes réflexions, c'est un peu dans cette tradition que s'inscrivent les constructions idéales de certains d'entre eux. Elles s'en séparent toutefois en ce qu'elles n'aspirent pas simplement à retrouver la félicité béate des paradis perdus, mais réclament effort discipline et éducation. D'une certaine manière, Platon, Hippodamos de Milet ou Phaléas de Chalcédoine y ont cédé plus que d'autres à l'époque classique, et peut-être aussi des stoïciens comme Sphairos de Borysthène ou Blossius de Cumes à l'époque hellénistique. mais rêver d'une cité parfaite et, à défaut de la réaliser, en dessiner les contours dans les moindres détails, c'est le fantasme qui habita bien des intellectuels grecs".R.LONIS - La Cité dans le Monde Grec