Après avoir enregistré plusieurs disques d'un style "variétés françaises" dans lequel il ne se sent pas à l'aise, le jeune chanteur Jean Guidoni cherche à la fin des années 70 son identité artistique.
1978: il assiste un soir à la dernière de la muse de Fassbinder, Ingrid Caven, au Pigall's. C'est pour lui la révélation. Apprenant que le nom de l'adaptateur des textes de Fassbinder en français est Pierre Philippe, il se met en quête de cet homme qui pourrait devenir le parolier dont il a besoin.
"Pour la première fois j'ai compris que l'on pouvait tout dire en chansons".
Après avoir trouvé Pierre Philippe (cinéaste et écrivain), il lui raconte sa vie et ses envies. P.Philippe lui répond que "sa vie n'a rien à envier à celle d'Edith Piaf".
Il lui écrit trois textes, pour tester la volonté du jeune homme :"Chanson pour le cadavre exquis", "Tu mourras ce soir" et "Je marche dans les villes".
La rencontre entre les deux hommes donnera lieu à l'une des oeuvres les plus riches du répertoire français. Les albums et spectacles reçoivent des critiques dithyrambiques... Une légende est née... Le jeune homme propret aux douces chansons romantiques a laissé place à Guidoni, personnage tout de noir vêtu, maquillé, théâtral, baroque, ambigü, tour à tour ange et démon. "Pervers polymorphe". Interprète d'exception, qui sert magistralement les textes ciselés par Pierre Philippe.
Iconoclaste et poétique, travaillant avec plusieurs compositeurs (dont le maître argentin Astor Piazzola), le duo donnera naissance à 4 albums dans les années 80, avant que de se séparer en 1985 pour donner un ultime chef-d'oeuvre commun au public en 1999 avec le spectacle "Fin de siècle".
Pierre Philippe a continué d'écrire, surtout pour la chanteuse Juliette.
Jean Guidoni, quant à lui, a poursuivi une brillante carrière, faisant montre d'un grand talent d'écriture personnel et signant depuis lors les textes de la majorité de ses chansons.
L'opéra pour un homme seul "Crime passionnel", composé par Piazzola sur un livret de Pierre Philippe pour Guidoni, connaît un tel retentissement lors de sa création aux Bouffes du Nord que des artistes de cultures étrangères voudront eux aussi interpréter l'oeuvre. Jean Guidoni lui-même en donnera une nouvelle représentation en 2000 au Cabaret Sauvage.
L'originalité de l'oeuvre écrite par Pierre Philippe pour Jean Guidoni tient dans l'audace dans les sujets abordés... meurtre ("Crime Passionnel"), homosexualité ("Viril"), sadomasochisme ("Tu mourras ce soir"), pornographie ("Midi-minuit"), nécrophilie ("Cadavre Exquis"), prostitution (l'album "Putains").... Au petit théâtre des passions parallèles et des "amours difficiles", Guidoni est un Monsieur Loyal exceptionnel, excellant dans l'exercice scénique, créant avec son public une relation étrange, entre ironie, humour, violence et fascination.
La politique n'est pas non plus absente de l'oeuvre : au contraire, dans "Le Rouge et le Rose", Philippe et Guidoni règlent leurs comptes aux idéologies, décrivant un coup d'état fascisant à Paris ("Tout va bien"), les déceptions d'un militant communiste ("Rouge"), et même le fantôme du pétainisme veillant encore sur la France ("Le bon berger").