Swallow .

     Comment est-ce qu'on peut bien dire qui on est, à 17 ans et des poussières ? Alice, comme la blonde en robe bleue du dessin animé, mais vue d'un angle qui n'est pas le même. J'essaie de laver mes idées noires à coup de grands seaux d'eau dans la gueule. Pleine à ras bord de sentiments qui se battent en duel, le coeur cassé-réparé-arraché-scotché-réparé. Irréductible amoureuse de la musique, alors que je n'ai jamais su en jouer. Je ressens mais ne sais pas le faire vivre. Ne serait-ce qu'une note lancée comme ça, à tout hasard, dans le vide et le silence d'une chambre peut me boulverser, me faire vomir ou me faire dresser tous les poils du corps. Et quand elles passent du fond de sa tête au bout de ses doigts, les notes mornes d'ordinaire prennent un sens, une vie et se cognent à mes douleurs, à mes rires, à mes émois. Glissent, palpitent ou explosent. Me capturent, intégralement. Mille petites pulsations qui se transforment en roulements de tambour dès que les sons m'atteignent un peu trop. Boum. Boum. Boum. Richochets contre mon palais. J'aim(ais) plus que tout l'écouter jouer du piano, il y a de tous petits moments dans la vie où même le plus terrible des tremblements de terre ne saurait pas vous ébranler. J'aime le vide, les cicatrices et leurs histoires, les instants à photographier, la perfection & les imperfections, les mots, les sous-entendus, la personnalité, la maladresse, l'amer, les os, les creux, ses mains posées sur le clavier, les prises de risques, le vouvoiement, la création & le pouvoir de l'imagination, la folie & l'art quand il se colle à elle, sculpter et imaginer, les jeux de [ maux ], l'humour noir, les rires & les cris, la violence & la douceur à petite dose, les implosions/explosions, les horloges & leurs coucous dégénérés. Je ne supporte ni les pantins, ni les clowns, ni les poupées souriantes de porcelaine et leur beauté parfaite, qu'on n'atteindra jamais. Après plus de deux ans à essayer de cicatriser et de ne pas fouiller ma plaie, je continue à avoir peur de la mort, non pas de la mienne mais de celle des gens que j'aime. Parce que c'est le seule chose contre laquelle on ne peut rien faire, quoiqu'on dise. On peut se battre tant qu'il reste la vie, plus après. Je n'aime pas la gentillesse abusive, ni la pitié ou les semblants de compréhension, les gens mous et trop doux, même si je pense être la niaiserie incarnée, je n'aime pas ça chez les autres quand c'est trop poussé. A mon avis, qui ne se ressemble ne s'assemble pas, ou du moins pas sans explosions et autres claques dans la figure. Je suis défaite et décousue, négligée du corps et du coeur, mais à la fois sac de noeuds difficile à démêler. Paradoxale, incompréhensible, différente et semblable à tous. Un robot comme six milliards d'autres. Ma bouche sait hurler quand je voudrais me foutre en boule, je crise au moment où je ferais mieux de me faire oublier, je suis à double, triple, quadruple fonctions, mais elles sont parfois toutes rouillées en même temps, et je ne me retrouve qu'avec deux bras, deux jambes, un coeur essoufflé, un corps et des yeux qui restent ouverts quoi qu'il arrive. J'ai fini par comprendre pourquoi les gens riaient quand j'essayais de montrer mes crocs. J'ai une fausse fierté de rien, qu'il est difficile de ravaler sans s'étouffer, je suis la maladresse et les petits détails, les brûlures cachées sous un physique lassant, les ongles rouges et les joues noires de khol, un peu trop grande, un peu trop rousse, un peu trop vide, un peu trop tout. Jalouse, possessive, irritable, méchante & égoïste quand il faut. Même s'il ne faut jamais vraiment. Je gueule quand on ne me regarde pas, je me fais petite quand des yeux se posent sur moi, je suis la timidité, les rougissements aux moindres reflexions, les tremblements, même quand dedans, tout explose. J'ai les envies mais pas toujours les armes, je me perd à force de trop souvent me retourner, mais j'arrive à marcher sans me prendre sans arrêt des branches dans la figure. Je claque mes os, me fend de sourires plastiques et la terre a le droit de continuer à tourner.