Nous nous plaignons de la police, de l'armée, de la justice, des casernes, des prisons, des administrations, des lois, des ministres, du gouvernement, des financiers, des spéculateurs, des fonctionnaires, des patrons, des prêtres, des proprios, des salaires, du chômage, du parlement, des impôts, des rentiers, des loyers, des longues journées d'atelier et d'usine, de la maigre pitance, des privations sans nombre et de la masse infinie des iniquités sociales. Nous nous plaignons; mais nous voulons le maintien du système où nous végétons. Nous nous révoltons parfois, mais pour recommencer toujours. C'est nous, c'est toi, qui produis tout, qui laboures et sèmes, qui forges et tisses, qui pétris et transformes, qui construis et fabriques, qui alimentes et fécondes! Pourquoi donc ne consommes-tu pas à ta faim? Pourquoi es-tu le mal vêtu, le mal nourri, le mal abrité? Oui, pourquoi le sans pain, le sans souliers, le sans demeure? Pourquoi sommes nous pas nos propre maître? Pourquoi te courbes-tu, obéis-tu, sers-tu? Pourquoi sommes nous les inférieurs, les humiliés, les offensés, les serviteurs, les esclaves? Nous élaborons tout et nous ne possédons rien? Tout est par nous et nous ne somme rien. Nous nous trompons. Nous sommes les électrices, les votards, ceux qui acceptent ce qui est; ceux qui, en votant, consacrent toutes ses servitudes. Nous sommes les volontaires valet, les domestiques aimables, les laquais, les larbins, les chiens léchant le fouet, rampant devant la poigne du maître. Nous sommes les sergots, les geôliers et les mouchards. Nous sommes les bons soldats, les portiers modèles, les locataires bénévoles. Nous sommes les employés fidèles, les serviteurs dévoués, les paysans sobres, les ouvriers résignés de leurs propres esclavages. Nous sommes nous-même notre bourreau. De quoi nous nous plaignons? De quoi te plains-tu?
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