Angel GIRONES

Jai beaucoup pensé à Angel lorsque j'ai découvert il y a quelques années à Paris, impasse Florimont, l'antre où Brassens a souffert mille morts en composant vingt ans durant, dans la désespérance, de merveilleux poèmes dont personne ne voulait. Angel Girones que le grand Georges a sans doute croisé trop tard, a reculait, lui, devant la jungle parisienne. Aujourd'hui encore, il poursuit son chemin de solitude à travers les étangs du Languedoc, les montagnes de l'arrière-pays ou le désert enfin préservé, le Larzac. Sa vie, la seule vraie vie pour lui, est là. Celle de la nature chère à Milosz, des bêtes et des hommes libres... Elle palpite entre chaque mot, entre chaque note de ses poèmes et de ses chansons. Pas de message, simplement le cri profond d'un écorché vif qui gémit parfois, se révolte souvent mais qui ouvre les bras et son coeur...L'homme à l'allure farouche est resté à l'état sauvage. Il pourrait descendre tout droit d'une tribu indienne, d'un peuple primitif où l'homme s'harmonise à l'élément terre. Seulement voilà, il naît à Sérignan, un petit village de l'Hérault, tout prés du canal du midi qui colle son accent à son ventre; et c'en est fait, l'enfant grandira, côtoyant les espaces magiques du pays basque, ramenant dans ses poches les souvenirs d'un harmonica: objet symbole qui le propulse dans l'univers musical. Il a appris le Vent, la Montagne, l'Oiseau de proie, l'Ecole buissonnière, bref, la Liberté. Autant de thèmes identifiés dans son répertoire qu'il porte en lui. Depuis, sur les chemins de l'authenticité, il vagabonde croisant tour à tour des lieux scéniques, cinématographiques et accumulant ses trophées, (premiers prix à des concours de chanson française). Avec plus d'une corde à son arc, il chante, joue la comédie, s'enrôle dans la mise en scène, la réalisation, l'écriture de scénarios et revêt même le gant d'un éducateur artistique auprés des enfants et adolescents en milieu scolaire. " Je ne suis pas un homme, je suis un animal!" Nul doute, faudrait-il lui répondre, mais un animal-poète. Celui qui, à l'état pur, a le don de soi. Celui qui aiguise son verbe comme il aiguise ses crocs pour mieux loger ses réflexions. Celui qui par la puissance de sa mâchoire communique ses émotions, de la douceur la plus tendre aux courroux les plus impétueux. Un langage de feu définit sa révolte engendrée par cette corruption qui, pour lui, anéantit l'homme. Il nous suffirait de se pencher sur "Les mains", "Hé l'homme", "Naussac" pour comprendre qu'il s'agit d'un poète engagé, sans cesse en équilibre sur le fil de l'humanité, guidé par l'espoir, poussé par le verbe de l'injustice. L'acteur sans son intimité, enveloppe d'une tendresse toute particulière ses poèmes. Et, chuchotée ou gueulée, sa parole demeure parole d'amour. Ainsi "Rue Montmorency", "Berceuse à mes parents", "Le goéland" révèlent la griffe d'un sauvage aimant. Sur scène, l'homme dans la violence de son souffle perd son identité et s'accroche à l'univers de chacune de ses chansons. Tour à tour, se métamorphose dans l'incantation de ses cris: Animal ou Sauvage, il s'impose d'instinct, et de l'ombre scènique jaillit sa rage. Taillé dans le bruit, son écriture ne refoule pas les manques-à-dire, bien au contraire. Mais dans les profondeurs de ce langage-cri, niche toute la tendresse d'une humanité, avec pour toutes qualités, le don de lui!L'homme qui a vu le bison, qui a vu l'indien. Ce beau soir là, l'oeil de la guitare était sombre comme un velours de toro, elle serrait Angel dans les bras. L'homme des collines, celui qui voyage à pied ou à cheval, s'était soudain fondu en l'instrument sous le brasier de ses doigts. La guitare avait une plume d'aigle plantée dans la main aussi profondément qu'une racine en terre. Sans elle et sans la source vive de ses ancêtres, l'homme aurait glissé au sol comme une truite. La terre empoisonnée s'est mise à pleurer toutes les larmes chaudes des peuples et des arbres. Angel leur a prêté sa voix et fait don de son esprit. La fièvre dans l'oeil malade de l'indien peut bien enflammer un oeil de guitare pourquoi pas la tête d'un homme...
(Paul-René, Danièle, Eve)
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Angel et Clara