David Lynch dans une salle de cinéma vide, lui proposer une cigarette, parler avec lui des heures avant que les lumières s'éteignent et que le générique de Mulholland Drive apparaisse à l'écran.
--------------------Quelques Projets Graphique Ainsi qu'un Texte-Noir-Pétrole. Enjoy ;)--------------------Une chambre d'hôtel. Fond
vert. Sièges en cuire. Brûlures noires de cigarettes
écrasées. Papier peint décollé. Tombant. Déchiré. Gorgé de
pluie. Je ne sais plus qu'elle heure il est. Je ne sais
plus depuis combien de temps je suis assis sur ce canapé.
Jambes croisées. Chemise entrouverte. Boutons éclatés et
gorge nue. Non vraiment, je ne saurais pas vous dire, je
sais juste que la pluie a cessée de tomber depuis cent
douze respirations asthmatiques. La ville a cessée de
pleurer. Ivre de ses larmes, elle titube, chante de sa
voix désaccordée, racle sa gorge avant de nous murmurer
l'haleine alcoolisée d'une mère au ventre rond, enceinte
de ses habitants...J'ai du mal à respirer. Je suis asthmatique. Je dois me prendre en photo. Me regarder. Voir mon reflet de Polaroïd. Me dire que je suis toujours en vie. Retrouver mon nom. Savoir qui je suis. Connaître mon nom. N'essayez pas de comprendre. Je prends alors l'appareil posé à coté de moi. Ce cube noir enfoncé dans sur le cuire vert d'un canapé brûlure de cigarette. Calée dans la main gauche, le pouce droit posé sur le déclencheur, j'appuie et mon iris se rétracte mécaniquement sous la lumière artificielle. 3 clics. 3 diaphragmes et l'aiguille sonore du flash s'éteint lentement dans le vide de cette chambre d'hôtel...Sur le Polaroïd : Fond vert. Sièges en cuire. Brûlures noires de cigarettes écrasées. Papier peint décollé. Tombant. Déchiré. Gorgé de pluie. L'image d'un enfant. Moi. Le visage sur le plastique synthétique d'un Polaroïd. La bouche entrouverte, découpée au milieu d'un épiderme blanc cristal de sulfate. Des lèvres rouges au flou gaussien. L'œil gauche brûlé par la lumière d'un néon au plastique sale. L'iris vert Burroughs à l'alcool polyvinylique...
Un regard pâle, effacé. Celui d'un enfant ou plutôt le visage d'un homme perdu dans un corps d'enfant. Il faut croire que c'est le mien. Il faut croire que se visage m'appartient. Je ne sais pas, j'ai du mal à imaginer que je ressemble à ça, à cet enfant. Je n'en sais rien, demain ce visage aura peut-être changé. Demain je ressemblerai peut-être à une femme aux traits tirés, l'épiderme plastique chirurgicale et un sourire crispé qui semble fuir sa propre mort. Ou alors celui d'un homme, costume cravate, l'entrejambe humide et les mains cherchant sous les draps froissés celle qu'il a aimé quelques instant. Je ne sais pas, je serai peut-être la femme que cet homme a aimé, le visage collé au sien, les mains de cet homme cherchant le premier baisé d'une vie et quelques minutes plus tard, les talons aiguilles de mes chaussures frappant les marches de cet escalier avant que je m'en retourne poussière de prostituée...
Vous comprenez maintenant pourquoi j'ai tant de mal à respirer ? Pourquoi je me prends en photo ? Pourquoi le sol de cette chambre est tapissé de mon visage ? Pourquoi je viens d'appuyer sur le déclencheur de ce Polaroïd ? Vous comprenez ?? C'est simplement parce que j'ai l'impression d'être cette vielle femme. Cet homme recroquevillé sur lui-même. Cette prostituée. Toutes ces personnes qui se sont un jour trouvées là ou je suis maintenant. Sur le lit de cette chambre d'hôtel. Simplement parce j'ai leur visage, même si le mien, ce soir est condamné à être celui d'un enfant. Parce que j'ai l'impression d'être tous ces fantômes d'une nuit. D'avoir été là ou il trouvait. Vous me suivez ? Non ?? Vous ne me comprenez toujours pas ? Ce n'est pas grave, je prendrai autant de clichés qu'il le faut pour que vous sachiez qui je suis...
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J'attends quelques secondes, secoue le Polaroïd dans les airs, me regarde, respire. Non. Je n'arrive toujours pas me souvenir de la personne que je suis. Je ne sais plus. Une épingle dans la bouche. Sa tête rouge entre pouce, index et majeur. Le dos de la photographie posé sur le papier peint décollé. Tombant. Déchiré. Gorgé de pluie. Mon visage cristal de Polaroïd rejoint les milliers d'autres portraits accrochés au mur. Je suis à coté d'une fille qui s'agrippe désespérément à son ours en peluche, l'œil tombant. Je suis épinglé sous l'emprunte photographique d'un vieillard tremblant, un seringue d'héroïne et la veine éclatée. Mon visage est maintenant perdu au milieu de milliers d'autre clichés. Polaroïds. Un garçon à la bouche dents de laits cariés. Un jeune homme sidaïque nu. Un SDF portant un T-shirt avec l'inscription "Jesus is in my heart". Le visage d'une femme a la peau noire cobalt...
Qui sait, demain je serait peut-être le personnage d'un cartoon américain, deux grandes oreilles, les mains tombantes et le regard d'un enfant qui rêve de devenir adulte...