Steeve - Wonderful World
Steeve Deville : Savoir Ozé
Il a longtemps été, dans l'ombre, le talent derrière la réussite de nombre d'artistes mauriciens. A 39 ans, cet autodidacte d'une grande exigence et créativité a finalement décidé d'oser pour lui-même. Cela donne l'album Ozé dans lequel Steeve Deville relève brillamment le défi d'une expression où se conjuguent avec brio jazz, séga et langue créole.
'Ozé' faire de l'art notre étendard sera un grand pas vers, SEGA NU L'AVENIR. L'île Maurice sera comme ENE TI VILLAZE LOINTAIN où il fait bon vivre là où on OZE dire SA NON à la misère, le communautarisme, et la corruption.
On PRAN LE TAN PU VIVE sa passion et atteindre ses ambitions.
Prendre conscience que MIZISIEN ENE METIE à commencer par les musiciens eux mêmes. A travers nos créations NU ANVI ZOUE ene refrain ki fer nu tu santé. Chanter les dangers qui nous guettent comme le BROWN SUGAR, le sida et autres maux de la société.
Un jour viendra, où toutes les PERCUSSIONS DE MON ILE de fusion et de confusion joueront leur Rythm Blues Jazz & Vérité...
Ozé Ozé Ozé!!!
L'art vaincra
PETIT BIO DE L'ARTISTE
La musique, Steeve Deville est véritablement tombé dedans tout petit. La marmite, c’est son quartier, la Cité Père Laval, où faire résonner de grosses boites de beurre vides ou gratter passionnément sa guitare constitue le grand passe temps des nombreux jeunes rassemblés à chaque coin de rue. A la maison aussi, l’avant-dernier de cette famille modeste de sept enfants baigne dans une atmosphère musicale. Et parmi tous les instruments ramenés par ses frères aînés à la maison, ce sera d’emblée la guitare qui exercera sur lui une fascination dont il parle aujourd’hui encore avec l’accent de cette dévorante convoitise qui nourrit la gourmandise. « Posée sur le lit, elle était à ma hauteur. Quand ils l’ont mise sur l’armoire, cela m’a agacé. J’ai fait un deal avec ma s--ur : si je l’aidais à boucler les travaux ménagers, alors elle descendait la guitare à ma portée », se souvient-il. Aussi n’est-il pas peu fier quand c’est lui que son oncle paternel, violoniste au talent reconnu, choisit pour l’accompagner dans les fêtes familiales.
Car entretemps, il a appris à en jouer, de la guitare. Notamment aux côtés de son pote de toujours, celui qui deviendra le bluesman créole Eric Triton. Deux partenaires musicaux qu’allie toujours une grande complicité, et une passion partagée pour une musique qui va chercher bien au-delà d’un séga facile ou de reprises de variétés. Convaincus que le blues et le c--ur de la musique des noirs et que le jazz est le sang qu’il produit. Ce jazz que Steeve Deville a découvert à l’âge de 14 ans à travers le mythique Black and White Minstrel Show à la télé, ou à travers des émissions de radio. Ce jazz dont-il déplore, chez certains, l’excès d’académisme, lui qui y voit une expression dont la complexité ne sert qu’à mieux faire ressortir un ressenti… Avant d’en arriver là , il y a eu le reggae joué vers l’âge de 11 ans, et les compositions improvisées à partir de trois fois rien. « On ne savait parler ni anglais ni français, et on s’amusait comme des fous pendant des heures avec un accord, quelques onomatopées », se remémore celui qui sera surnommé Little Stevie, en grand fan de Wonder qu’il est toujours. Mais l’heure n’a pas toujours été au badinage : quand son père, convaincu de l’importance de l’éducation pour assurer l’ascension sociale désirée pour ses enfants, soumet la poursuite de la guitare à sa réussite au collège, le jeune homme s’y met s’en compter. Il en a retiré deux atouts majeurs, qui sont venus étayer le génie musical qui l’a toujours habité : le sens de la discipline et le goût des mots qui font sens, au contact du dictionnaire toujours posé sur la table familiale. Son intuition musicale, Steeve Deville aura par la suite l’occasion de la roder au cours des années passées à jouer dans le circuit hôtelier, un univers qu’il découvre dans un premier temps fascinant, si différent de sa cité. A travers le Club Med notamment, à Maurice mais aussi en Afrique du Sud et jusqu’en Turquie, il apprend à tout faire : éclairagiste, DJ, animateur, danseur, créateur de décors, voire de spectacles. « J’adore inventer » dit-il. Mais la musique, la vraie, celle qu’il veut réellement jouer, finit par lui manquer. Répéter toujours la même chose avec des musiciens qui se contentent du connu, il n’y trouve pas son compte. Retour donc sur la scène locale, qu’il va subtilement mais irrévocablement marquer de son empreinte. En jouant au sein du Eric Triton Jazz Quartet, devenu une référence par-delà les récifs mauriciens.
En forçant l’innovation d’arrangements inattendus sur le marquant album Zistwar Révoltan de Kaya, qui fera date dans l’histoire musicale locale et bien au-delà . En étant la cheville ouvrière du projet Tandela, singulier album de world mauricienne. Aux côtés de Menwar pour pousser plus loin l’expérience sagaï. A travers les divers groupes où il va officier ou qu’il va aider à créer au fil des années, il y aura au fond toujours cette constante chez Steeve Deville : la détermination d’une rigueur qui, seule, permet la vraie liberté ; la volonté d’aller plus loin, hors des sentiers rebattus de toute routine musicale pour créer une expression plus vraie, plus sentie. Il en rit avec une certaine dose de satisfaction, revendiquant autant sa cool attitude habituelle que son « exigence » dès qu’il s’agit de musique, pour lui chose « sacrée ». Et tant pis s’il en paie le prix : dans sa modeste demeure de la Cité Père Laval où il est resté, entouré de sa famille que sont venues agrandir sa femme Jennie et ses deux filles Emilie et Julie, Steeve Deville sait que les chemins difficiles sont sans doute les plus longs mais aussi les plus beaux à accomplir.
Après avoir été instrumental dans la réussite de plusieurs artistes mauriciens, et formé bon nombre de jeunes de la cité qui mènent aujourd’hui leur bout de chemin, Steeve Deville s’est en tout cas dit, un jour, qu’il était temps d’oser.
Oser dans tous les sens. Sur le plan rythmique, des accords, de l’écriture, des choeurs. Pour lui. « Oser. C’est le verbe qui a entraîné tout le reste ». Le reste, c’est cinq ans de travail, patient, obstiné, inspiré. Des chansons mûries, rodées dans les pubs et les bars avec les complices qui l’accompagnent, avant d’en arriver à l’enregistrement de l’album. Au final, dix titres où Steeve Deville fait entendre ses aspirations d’amitié, de solidarité, de fraternité, son refus de l’hypocrisie, de la facilité, de la drogue, ses convictions sur la condition d’artiste et de musicien. Laisse exploser la jouissivité musicale de celui que sa guitare accompagne jusque dans son lit. Se confronte au défi de faire jazzer le créole, de trouver une scansion adaptée qui permette aux rythmes particuliers de ces deux langues de se conjuguer pour faire entendre une voix orginale. La voix de celui qui a toujours refusé de se contenter de jouer « La Bamba, My Way ». A sa façon, Steeve Deville a Ozé. Prendre le temps de l’écouter est l’autre pendant de ce pari qui se découvre, sans esbrouffe, dans la stimulante vérité du plaisir partagé…