About Me
Une anthologie
Photo : Emily
A force de faire des livres, ou d’en lire, on devient soi-même un livre.
(Goethe)
Nous t’avons donné nos souffles : la justice et la miséricorde, la science et la beauté, la sagesse et l’amour. T’en souviens-tu ? Qu’en as-tu fait dans le monde du mensonge et des ténèbres ?
(Livre des Morts)
Car tu habites près du foyer de la demeure et tu entends en lui,
Hors des coupes d'argent que penchent des mains pures,
Bruire la source, quand frôlée par le feu des rayons,
La glace cristalline et, s'effondrant sous le tact léger de la lumière,
Les neigeux sommets font ruisseler au sol l'eau la plus pure.
Et c'est là d'où procède ta native fidélité.
Car ce qui gîte près du jaillissement originel ne quitte un tel lieu qu'à grand peine.
(Hölderlin)
Elle tourna les yeux vers les naissantes étoiles. " Je connais tous leurs noms, dit-elle : chacune en a plusieurs ; elles ont des vertus différentes. Leur marche, qui nous paraît calme, est rapide et les rend brûlantes. Leur inquiète ardeur est cause de la violence de leur course, et leur splendeur en est l’effet. Une intime volonté les pousse et les dirige ; un zèle exquis les brûle et les consume ; c'est pour cela qu'elles sont radieuses et belles.
Elles se tiennent l'une à l'autre attachée, par des liens qui sont des vertus et des forces de sorte que l'une dépend de l'autre et que l'autre dépend de toutes. La route de chacune est tracée et chacune trouve sa route. Elle ne saurait en changer sans en distraire chacune autre, chacune étant de chaque autre occupée. Et chacune choisit sa route selon qu'elle devait la suivre ; ce qu'elle doit, il faut qu'elle le veuille, et cette route, qui nous paraît fatale, est à chacune la route préférée, chacune étant de volonté parfaite. Un amour ébloui les guide ; leur choix fixe des lois, et nous dépendons d'elles ; nous ne pouvons pas nous sauver. " (André Gide)
Tu m’as placé parmi les vaincus. Je sais qu’il ne m’appartient ni de vaincre, ni de sortir de la lutte. Je plongerai dans l’abîme quitte à en toucher le fond. Je jouerai le jeu de ma défaite.
Je jouerai tout ce que je possède, et quand j’aurai tout perdu, je jouerai jusqu’à mon être même, et peut-être alors aurai-je tout reconquis, à travers mon total dépouillement.
(Rabindranath Tagore)
Les poètes ne créent-ils pas des fantômes là où ils portent les yeux, ne jettent-ils pas le désarroi, n’inquiètent-ils pas les esprits en donnant une âme même aux fragments des créations qui se désagrègent ?
(Hugo von Hofmannsthal)
C’est l’angoisse de la séparation qui s’épand par tout le monde et donne naissance à des formes sans nombre dans le ciel infini.
C’est ce chagrin de la séparation qui contemple en silence la nuit d’étoile en étoile et qui éveille une lyre parmi les feuilles dans la pluvieuse obscurité de juillet.
C’est cette peine envahissante qui s’épaissit en amours et désirs, en souffrances et en joies dans les demeures humaines, c’est toujours elle qui fond et ruisselle en chansons de mon cœur.
(Rabindranath Tagore)
How come you only want tomorrow with its promise of something hard to do
A real life adventure worth more than pieces of gold, blue skies above and sun on your arms strength in your stride
And hope in those squeaky clean eyes, you’ll get chilly receptions everywhere you go
Blinded with desire I guess the season is onSo you train by shadow boxing, search for the truth but it’s all used up, you break open your million dollar weapon
Still you push your luck, a broken nose mogul are you, one of those new wave boys
Same old things in brand new drag comes sweeping into view
As ugly as a teenage millionaire pretending it’s a whiz kid world and you’ll take me aside and say : David, what shall I do ?
They wait for me in the hallway I’ll say don’t ask me I don’t know any hallways but they move in numbers
And they’ve got me in a corner I feel like a group of one, they can’t do this to me I’m not some piece of teenage wildlifeThose midwives to history put on their bloody robes, the world is that the hunted one is out there on his own
You’re alone for maybe the last time and you breathe for a long time then you howl like a wolf in a trap
And you daren’t look behind
You fall to the ground like a leaf from a tree and look up one time at that vast blue sky
Scream out aloud as they shot you down No I’m not a piece of teenage wildlifeAnd no-one will have seen and no-one will confess Fingerprints will prove that you couldn’t pass the test
And there’ll be others on the line filing past who’ll whisper how I miss you he had to go
Each to his own
Just another piece of teenage wildlife
(David Bowie)
Toute l’histoire et le malheur de l’humanité commence par la rivalité mimétique. A savoir : je veux ce que l’autre désire ; l’autre souhaite sûrement ce que je possède. Tout désir n’est que le désir d’un autre pris pour modèle. Lorsque cette rivalité mimétique entre deux personnes se met en place, elle a tendance à gagner rapidement tout le groupe en contagion et la violence se déchaîne. Cette violence, il faut la réguler. Elle se focalise alors sur un individu, sur une victime désignée, un bouc émissaire, quelqu’un de coupable, de forcément coupable. Son lynchage collectif a pour fonction de rétablir la paix dans la communauté jusqu’aux prochaines tensions. Le désir mimétique est donc à la fois un mal absolu – puisqu’il déchaîne la violence – et un remède- puisqu’il régule les sociétés et réconcilie les hommes autour de la figure du bouc émissaire. Dans la ritualisation de cette violence inaugurale s’enracine le fonctionnement de toutes les sociétés et les religions archaïques. Puis vint le christianisme. Là n’en déplaise aux anthropologues et aux théologiens qui ont trop souvent vu dans la figure du Christ un bouc émissaire comme tous les autres, il se passe quelque chose de radicalement différent. La personne lynchée n’est pas une victime qui se sait coupable. Au contraire elle revendique son innocence et rachète le monde par sa passion. La Passion a dévoilé une fois pour toutes l’origine sacrificielle de l’Humanité en nous confrontant à ce qui était caché depuis la fondation du monde : la réalité crue de la violence et la nécessité du sacrifice d’un innocent. Elle a défait le sacré en révélant sa violence fondamentale même si le Christ a confirmé la part de divin que toutes les religions portent en elles. Le christianisme n’apparaît pas seulement comme une religion de plus qui a su libérer la violence ou la sainteté : elle proclame de fait la fin des boucs émissaires, donc la fin de toutes les religions possibles. Moment historique décisif, qui consacre la naissance d’une civilisation privée de sacrifices humains mais qui génère aussi sa propre contradiction et un scepticisme généralisé. Le religieux est complètement démystifié- ce qui pourrait être une bonne chose, dans l’absolu, mais se révèle en réalité une vraie catastrophe car les hommes ne sont pas préparés à cette terrible épreuve : les rites qui les avaient lentement éduqués, qui les avaient empêchés de s’autodétruire, il faut dorénavant s’en passer, maintenant que les victimes innocentes ne peuvent plus être immolées.
(René Girard)