About Me
né mâle et suisse, possède une machine à écrire et sait à peu de chose près s'en servir ...le reste n'est qu'ironie et amère solitude de l'écriture...
Livres publiés:
AUTOPORTRAIT AUX YEUX HAGARDS
I. Dans la chambre du pornographe Editions Chambon (2005)
II. Raspoutine et la Biche Fauve Editions Chambon (2007)
III. Parfois si louve... Editions Chambon (2008)
A paraître:
Chair d'Afrique (2009)
la table, le papier, et ma sale impatience d'écrire
Photographies Alain Barnole
Critiques
"Gardez-moi les tiges"
par Antonin Iommi-Amunategui
Bordel. Un délire pornographique du Suisse Jean Billeter
Libération
L'odeur soutteraine
par Richard Blin
Jean Billeter nous raconte une histoire de serpent et de paradis: la sienne - dans l'ombre de celle de Louis Soutter, un fou pornographe
Le Matricule des Anges
Une odyssée oedipienne
par Richard Blin
Jean Billeter multiplie échos, contrepoints et récits dans le récit nous donnant à découvrir une chronique familiale tout autant que l'univers social des fatuités parisiennes.
Féroce et hilarant.
Le Matricule des Anges
L'or et l'ordure
par Richard Blin
Derrière l'évocation d'anges cannibales conjuguant leur infernale beauté à la douceur du lait des louves, c'est son autoportrait - anamorphosé - que Jean Billeter peaufine dans son troisième roman.
Le Matricule des Anges
Coquines, libertines...
par Ghislain Cotton
Une écriture flamboyante, un regard acéré sur les moeurs d'aujourd'hui et un humour toujours sur le qui-vive
L'Express (Be)
Article d'Alexandra Morardet
(ARTE)
Ce voyage intérieur est agrémenté d’un humour subtil, qui rend le personnage attachant et pleinement vivant
ARTE Livre du mois
Interview d'Elisabeth Vust
Un roman follement allègre, qui mène des platitudes étourdissantes des steppes mongoles aux dorures rococo du pont Alexandre III.
Le Culturactif
Article de Céline Fillot
Après l’Enfer de l'enfance, le nouveau roman de Jean Billeter, deuxième opus de sa trilogie, nous transporte dans un univers plus lisse et nous dévoile sa vision féminine du Purgatoire
Rencontre d'artistes
Deux graphomanes
en chambre commune
« Il se trouve que Jean Billeter enfant a occupé la même chambre que le peintre Louis Soutter »
« L’écriture doit être une aide non à toi mais contre toi » : cette maxime de Jacques Lacan aurait pu figurer en exergue de Dans la chambre du pornographe, roman autobiographique (si on peut le désigner ainsi) de Jean Billeter, qui est né en 1947 à Morges. Il importe de préciser l’adresse de la maison familiale : Grand-Rue 69, non seulement parce que c’est un chiffre prédestiné à la pornographie, mais surtout parce que ce fut jadis la demeure de Louis Soutter, le célèbre peintre vaudois, qu’on a longtemps considéré comme un fou pornographe — il se trouve que Jean Billeter enfant a occupé la même chambre que Soutter.
Le domicile, la graphomanie, l’allégresse pornographique : ce ne sont pas les seuls dénominateurs communs qui justifient l’auteur d’enchevêtrer sa vie à celle du peintre à la manière de deux végétations délirantes qui « s’entreparasitent ».
Pornographe: Billeter reprend à son compte un terme auquel on a donné traditionnellement une acception péjorative, notamment lorsqu’on l’appliquait à Louis Soutter. Pornographie, cela qualifiait une représentation obscène, par opposition à l’érotisme, qui se donnait une livrée ou une respectabilité culturelle. Mais aujourd’hui, affranchis que nous sommes (ou que nous prétendons l’être) de la morale conventionnelle et de la hiérarchie des genres, nous redistribuons ces termes autrement. Je dirais, pour aller vite, que l’érotisme invite le lecteur ou le spectateur à l’identification, si ce n’est, pour parler clair, à la masturbation (Emmanuelle, Histoire d’O, etc.); la pornographie, au contraire, implique une distanciation, elle engage par conséquent à la réflexion (le marquis de Sade ou Georges Bataille, par exemple); l’obscénité, quant à elle, montre tout, gynécologiquement, de manière dissuasive (« Otez toute chose que j’y voie! », pourrait-on demander à la manière de Valéry). Si, comme je l’espère, les catégories lacaniennes vous sont familières, je dirais que l’érotisme ressortit à l’imaginaire, la pornographie au symbolique, et l’obscénité au réel.
Pornographe, dès lors, Billeter l’est effectivement, déjà par le fait qu’il désigne les choses de la sexualité par leur nom, en exploitant en virtuose le spectre qui va de la préciosité à la trivialité. « Pourquoi le temple de l’amour est-il si près des cloaques ? », se désolait saint Augustin, en indexant bien sûr la proximité des orifices sexuels et excrémentiels. Pour Billeter, qui a une prédilection sodomite, il n’y a pas proximité mais identité des fonctions, et matière à une extase qui n’a rien d’augustinien. Je dis cela en termes élégants, mais Billeter le dit évidemment mieux que moi, avec une verve de vocabulaire, une agilité d’écriture et une variété de registres qui contrastent avec le prosaïsme du sujet (« La poésie, c’est l’art d’apprêter la merde et de vous la faire bouffer », disait Jean Genet à sa manière). Mais n’y a-t-il pas déjà dans le terme de pornographie, étymologiquement, une dissociation quasiment schizophrénique entre l’idéalité de l’écriture et la lubricité de la chair? — ce que note l’écrivain lui-même: « La pornographie, c’est l’autre versant de la folie. »
Billeter parle aussi de « folie rectangulaire », mais, cette fois, à propos du volume carcéral de la chambre commune, et de l’inclination partagée à la séquestration — séquestration mentale dans le cas de l’écrivain, qui le préservera de toute tentation carriériste. Cette formule de « folie rectangulaire » (encore une réussite verbale pour un désastre existentiel…) aurait pu s’appliquer aussi bien au format des cahiers d’écolier dans lesquels et Soutter et Billeter s’expriment respectivement par le dessin et par l’écriture, supports disciplinaires d’une graphomanie compulsive… On pense encore à l’instance d’axes orthogonaux dans maintes compositions fiévreuses de Soutter, et, pareillement, à la rigueur d’écriture du pornographe en chambre, qui accusent par contraste l’effusion délirante et le développement anarchique — « la géométrie dans les spasmes », dirait-on à la manière d’André Breton (si je ne m’abuse).
MICHEL THEVOZ, Historien de l’art
(24 HEURES, 4 février 2005)
Obscure est ma passion
LOUIS SOUTTER
Le Purgatoire de la femme de cinquante ans
Quatre-vingt-dix ans après Colette, Jean Billeter questionne l'amour entre une femme d'âge
mûr et un homme bien plus jeune qu'elle. Réponse dans une comédie douce-amère follement allègre.
Le hasard a voulu que la chambre d'enfance de Jean Billeter soit celle de Louis Soutter. A l'instar de ce
peintre exceptionnel, Jean Billeter est un artiste tardif. Car bien qu'il noircisse des pages depuis
« toujours »
,
cet homme, né à Morges en 1947 et vivant aujourd'hui dans le Luberon, a publié son premier livre à presque
soixante ans.
« Peut-être entre-t-on en littérature comme dans la mafia - par un meurtre »
, dit ce graphomane, qui tenta
d'en finir avec son père dans
La chambre du pornographe
(2005), incandescent exorcisme d'une crudité
mordante.
Si l'auteur garde quelque chose du thème de l'enfance fracassée dans son deuxième roman, il y adopte un
style plus allègre, s'éloigne de la noirceur et de l'autobiographie, se dépeignant néanmoins sous les traits
d'un personnage très secondaire: le Zinzin, petit écrivaillon de province « avec sa tête d'idiot du village » .
Dans Raspoutine et la Biche Fauve, Jean Billeter lâche donc la bride à son imagination et confie la narration
à Nouchka. Cette Parisienne quinquagénaire, « célibataire, libérée et élégamment désespérée », a grandi
dans le luxe et la guerre parentale dont elle s'évadait en rêvant à la mythique Sibérie grand-maternelle.
Fillette mal-aimée par une mère lui reprochant d'être née, Nouchka est devenue une plasticienne qui
décapite ses modèles en les photographiant sans tête. Ses nus féminins rappellent l'Origine du monde de
Courbet.
Références et clins d'oeil abondent dans ce récit à plusieurs fonds, à la fois drame oedipien,
aventure érotico-initiatique, comédie de moeurs et flânerie entre présent et passé dans Paris, dont les
années folles et fiévreuses sont évoquées. Bien qu' « indécrottable archéopathe », l'héroïne n'ignore rien des
tendances les plus « urfissimes » du moment et se délecte des derniers ragots de la scène parisienne avec
ses amis, des libertins snobs et pittoresques, souvent artistes contrariés.
Si on ne peut que penser au Proust de la satire mondaine en lisant ce livre, c'est sur la trame de Chéri de
Colette qu'il a été écrit. Ainsi, Nouchka - femme d'âge mûr qui n'a jamais vraiment joui avec un homme -
tombe amoureuse d'un ravissant Bengali. Ce « demi-dieu » la mène au Stromboli, lui fait croire au bonheur,
puis l'abandonne.
Après l'Enfer de l'enfance (La chambre du pornographe), et ici le Purgatoire de la femme de cinquante ans,
Jean Billeter explorera le Paradis dans son prochain roman...
Elisabeth Vust
24 Heures (Lausanne) - 03-04-2007
La grande secousse
A première vue le deuxième roman de Jean Billeter n'a rien à voir avec le premier, Dans la chambre du pornographe (cf. Lmda N°60). De l'évocation d'une enfance cauchemardesque nous passons ici à une comédie de moeurs drôle et très enlevée. Sur le mode du récit autobiographique, une femme d'aujourd'hui s'apprêtant à fêter ses 49 ans, ressent le besoin de faire le point. Petite-fille d'immigrés russes un sibérien aux yeux de chasseur de fourrure et une babouchka mongole elle est la fille d'une mère qui n'aura cessé de la considérer comme " un accident " l'ayant empêchée de devenir la grande ballerine qu'elle rêvait d'être.
Photographe spécialisée dans les nus féminins en noir et blanc (" Je photographie mes modèles en cadrant aux épaules et aux cuisses, jamais leurs visages, rien que des femmes sans tête, sans défense, dans les plissures d'un drap blanc, les mains gantées de noir "), elle peut se montrer aussi exaltée que les héroïnes de Pouchkine.
N'aimant que les pays nordiques, et à jamais marquée par les histoires que lui racontait son grand-père, celle de la Biche Fauve comme celles du Loup Gris, " ce grand esprit de la steppe ", ou de Raspoutine, " ce moujik à demi illettré devenu le favori de la tsarine ", elle est en quête d'une Sibérie chimérique, dont " la grande secousse, sibirski lioubov ! l'amour à la sibérienne ", fait partie.
Ce bonheur tant envié, elle va le connaître avec un jeune Indien dont elle sera la victime " continûment dévorée et consentante ". Autour de ce thème central et de sa dimension incestueuse, Jean Billeter multiplie échos, contrepoints et récits dans le récit nous donnant à découvrir une chronique familiale tout autant que l'univers social des fatuités parisiennes.
Féroce et hilarant.
Mais sous les jeux de la réalité et de l'illusion, et sous le triomphe de l'image qu'il s'agisse des photographies ou de celles qui relèvent des codes sociaux ou des préjugés se cache une satire ironique des travers et des symptômes de la pose. Mélange de profondeur et de légèreté, de lucidité et de fantaisie, qui 'est pas sans faire écho aux fêlures et aux dissonnances dont résonnait déjà La chambre pornographe.
Richard Blin
Le Matricule des Anges, n°85
juillet-août 2007