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Le besoin de Poésie ou le sel de la terre Si le sel perd sa saveur, par quoi la lui rendra – t – on ? Si la vie disparaît de la planète, comment la lui rendra – t – on ? Il peut sembler excessif de considérer la poésie comme le sel de la terre, et donc sa culture comme la condition indispensable au maintien de la vie. D’après le plasticien René Louise, néanmoins, Aimé Césaire aurait déclaré que le XXI ème siècle serait poétique, ou ne serait pas. Cet avertissement présente l’immense et double avantage qui consiste, d’une part, à restituer à la poésie l’essence de sa fonction, et d’autre part, à raccorder le devenir menacé de la terre martiniquaise à l’aventure, non moins menacée, de notre planète dans sa totalité. Pourquoi la poésie est-elle indispensable, comme le sel, au maintien de la vie ? Parce que l’homme ne se nourrit pas seulement de pain, même si, pour les êtres matériels que nous sommes, la satisfaction du besoin alimentaire est primordiale, au sens strict de ce mot. C’est parce qu’il y a insuffisance de poésie, dans la pensée contemporaine que celle-ci est empoi-sonnée par la croyance désastreuse que l’économie représente ce qu’il y a d’essentiel dans la vie d’un Pays. Quiconque serait tenté de douter que cette aberration de la philosophie euramé-ricaine a contaminé la pensée contemporaine n’aurait qu’à suivre, ici comme ailleurs et ne serait-ce qu'une seule fois, les actualités télévisées. Qu’on ne s’y méprenne pas ! La première tâche des dirigeants et des éducateurs est effectivement de veiller à ce que les besoins alimentaires des peuples seront satisfaits, grâce aux produits – transformés ou non – de la terre et de la mer, et que leur acheminement par des circuits appropriés en permettra la distribution. Faut-il en déduire que « l’économie est ce qu’il y a de plus important » ? Non, mille fois non ! C’est comme si on disait que le ventre est plus important que la tête ou le cœur. Or, sans l’aptitude à prévoir et planifier et sans le courage et l’endurance au travail, ce même ventre est promis à une fin certaine, par famine justement. Aurait-on oublié Platon parce qu’il est mort depuis longtemps, ou alors les vérités qu’il a promulguées pour le monde seraient-elles mortes en même temps que lui ? De la terre au ciel La sagesse antique nous a confié que l’homme se nourrit de terre, c'est-à-dire de pain, et d’étoiles, c'est-à-dire de spiritualité ou encore de la lumière qui vient du ciel. Il est bon de comparer la pensée, ci-dessus, attribuée à Césaire, à la pensée suivante attribuée à Malraux : Le XXI ème siècle sera spirituel, ou ne sera pas. Pour l’essentiel, le contenu sémantique des deux phrases est le même. Est-ce à dire que poésie et spiritualité sont synonymes ? Il n’est pas besoin d’ainsi abuser du langage. On peut néanmoins considérer comme sœurs jumelles les élévations de conscience qui découlent de la satisfaction de ces deux besoins de l’homme. Ils se raccordent l’un et l’autre à la dimen-sion supra animale qui nous est aussi essentielle pour accéder au bonheur que, pour atteindre ce même objectif, la philosophie est aussi assurément supérieure à l’économie. C’est par la poésie, ou par l’art d’une façon plus générale, que nous nous évadons du prosaïsme et de l’étouffoir aux incohérences auxquels la vie ordinaire nous assujettit. La poésie, a-t-on dit, est le plus court chemin de la terre au ciel, d’hier à demain, d’ici à l’infini. Envisagé sous cet angle, l’entretien du feu sacré de la poésie, par l’interprétation qu’en donnent les Griots à travers la Martinique, prend l’allure d’un engagement ayant pour objectif l’émancipation de l’homme au moyen de la culture. Toutes proportions gardées, leurs efforts au service d’un monde meilleur, et surtout plus beau, rejoignent ceux que la fraternité du Ras Tafar I déploie en tant que puissante force spirituelle, sous la bannière de leur mot de ralliement : love and peace. Je ne résiste pas à la tentation de pasticher, ici, Baudelaire : Là, tout n’est qu’ordre et beauté Paix, calme et harmonie. Poésie et écologie Un jeune qui lirait ces lignes serait en droit de les trouver anachroniques, trop éloignées des urgences de la vie moderne. La part ne serait-elle pas faite trop belle à la poésie ? Et l’écologie, alors ! pourrait-il s’indigner : n'est-elle pas la priorité des priorités ? Une telle protestation serait tant justifiée que contradictoire. Comment l’Ecole et les Médias de la confusion, ceux-ci qui sont toujours limités par le temps, la première qui enseigne les enfants d’aujourd’hui comme elle le faisait pour leurs grands parents, comment pourraient-ils mieux faire que de désorienter la jeunesse ? La lutte pour la protection de l’environnement est en effet une nécessité de survie planétaire. Quel dommage, cependant, que la pensée euraméricaine, hégémonique dans le monde, réussisse à injecter, dans le mental des jeunes et des autres, ici comme ailleurs, le poison qui consiste à faire hypocritement accroire que la pollution de l’environnement naturel est plus grave que celle de l’environnement social. Celle-ci s’appelle chômage et paupérisme, drogue et délinquance, assassinats et viols d’adultes ou d’enfants, crimes et banditisme, crise de la famille, augmentation des suicides, impuissance et attentisme des dirigeants et des éducateurs, incohérences législatives, règle-mentaires, judiciaires et donc policières. Peut-on, à la fois, ignorer cette pollution sociale et morale et croire encore que le mental contemporain est en bonne santé ? C’est l’humanité toute entière qui peut, à bon droit, se sentir péléenne : elle repose au pied des menaces d’un volcan naturel et social : lave et cendres sur fond de désespérances éruptives, d’embrasements de banlieues et de villes, d’explosions revendicatives, de terrorismes, de guerres localisées ou planétaires. La poésie n’est ni échappatoire ni refuge. Elle n’est pas un substitut illusoire au monde des menaces quotidiennes. Le recours à la poésie est un choix existentiel salvateur, peut-être crucial. C’est la décision de transformer la décharge aux déchets, visibles ou intérieurs, en un cadre de vie heureuse, c’est la détermination de transmuter l’étouffoir moral et spirituel en espace de libertébackgr
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