Né le 14 octobre 1924, Gilbert Yves de la Mare de Villenaise de Chenevarin, dit Gil Delamare a abandonné ses études de droit pour entrer dans un cirque comme trapéziste à l’âge de vingt-trois ans. Alors qu’il vend des layettes sur un marché du côté de Dinan, il tombe par hasard sur une troupe qui tourne le film « Du Guesclin », avec Fernad Gravey, et dont le producteur cherche des figurants sachant monter à cheval. Finalement au bout de quelques jours, il se retrouve à doubler l’acteur principal et en profite pour perfectionner ses techniques de chutes à cheval.
« Les choses qui paraissent les plus faciles sont souvent les plus dangereuses. »
Très vite, il s’impose par son courage, son audace et son souci de technique ; devenu chef de file des cascadeurs français, il recrute, entraîne l’équipe de cascadeurs la plus demandée, plusieurs futurs « grands » ont été formé par ses soins, notamment Ivan Chiffre.
« Le jour le plus long », « Le Gentleman de Cocody », « Fantomas », « Les tribulations d’un chinois en Chine », « Un week-end à Zuydcoote », « La grande vadrouille », il est de plus en plus sollicité pour travailler sur les plus grosses productions européennes.
Personnage racé et sympathique, il devient un héro moderne.
Le risque-tout aux innombrables exploits inspirant même un personnage de bande dessinée pour enfants. Ses chutes spectaculaires suscitaient régulièrement les articles de journalistes.
C’est un peu grâce à lui que l’opinion publique a pris conscience des risques et du métier dangereux qu’est celui des cascadeurs.
« C’est l’Orgueil qui entre pour neuf dixièmes dans l’explication de ce goût du risque ! Il y a aussi chez moi un désir de désinfection, que seul le risque peut satisfaire. (…)
C’est ça, le but, le vrai ! S’arracher à la boue ! Il s’agit de sortir de notre condition humaine absurde. Imbécile de condition humaine !»
Plus de 2.000 sauts en parachute, trois sauts sans parachute dans l’eau, 200 sauts de moto, d’hélicoptère ou de canot automobile. Des dizaines de bagarres, des collisions à 120 km/heure
et Gil Delamare n’était pas pour autant une tête-brulée irréfléchie.
Au contraire, il veillait aux mesures de sécurité pour lui et ses partenaires, il discutait avec les producteurs pour que ceux-ci paient correctement et respectent la profession.
Il ne voulait pas risquer stupidement sa vie et celle de ses camarades, dirigeant lui-même leur entraînement et les préparatifs de chaque cascade.
« Ce n’est pas un métier dangereux et il n’est pas nécessaire d’être très courageux.
C’est l’imprévu qui est dangereux, et il faut donc s’acharner à tout prévoir. »
On se souvient que, parmi ses multiples exploits, en 1961 il s’était fait parachuter sur la « Santa Maria » le bateau rebelle portugais, ouvrant son parachute à 300 mètres au-dessus du bateau.
Lui, qui avait sauté 52 fois avec ses ailes métalliques d’homme-oiseau, ce qui représente plus de 100 kilomètres de chute libre à 150 et 300 km/h, qui avait traversé la Manche, accroché à un parachute tiré par un bateau à moteur et effectué les 26 miles en une heures trente-cinq, réalisé deux courts métrages sur lui-même et son métier « La tête sur les épaules » et en 1963 « L’homme oiseau », voulait passer de l’autre côté de la caméra et devenir réalisateur de films. Il n’en eut hélas pas le temps.
Fin mai 1966, Gil est surchargé de travail, par amitié pour Rémy Julienne, il lui propose de le remplacer sur une cascade « voiture » en compagnie de Odile Astier.
Lors de la septième prise, sa voiture décapotable fait un tonneau complet en éjectant Odile et Gaston Woignez, tuant Gil au passage en lui coinçant la tête entre le sol et le montant de pare-brise. Sa mort fut ressentie comme une perte par tout le monde du cinéma et par le public.
Jean Marais, que Gil avait plusieurs fois doublé au cinéma, a signé la préface de l’ouvrage « Le risque est mon métier » que lui a consacré Franck-Dominique édité par Flammarion, deux ans après sa mort :
« Ta sincérité, ta modestie étaient incomparables. J’ai souvent ressenti une grande tristesse à l’idée que tant de risques resteraient anonymes et que d’autre,dont moi-même, profiteraient de ton courage.
La première fois que je t’ai rencontré, tu étais acteur, mon partenaire.
Tu avais autant de talent comme acteur que comme risque-tout et je regrette que le cinéma ne l’ai pas compris. Gil, tu vivras toujours dans le cœur de tes amis.
Je suis ton ami, Gil, et je te salue. »