En décembre 1997, à La Havane , les coupures de courant sont quotidiennes, le pétrole manque pour faire tourner les centrales thermiques et il n'est pas le seul...
Nous nous retrouvons alors tous dehors à attendre le retour de la fée électricité, dans une obscurité moite et murmurante, parfois jusquà l'aube.
Au pays du Castrisme et de la Santeria , personne n'aurait parier un peso sur le régime moribond du Barbu gouailleur, ébranlé qu'il est par la chute du grand frère soviétique.
Le dollar est devenu roi, la société cubaine fait de son mieux pour ne pas imploser, les visages sont émaciés par les rationnements, tous désirent fuir l'île, la quête du touriste est le nouveau sport national.
Je réside dans le quartier de Playa à proximité de la maison de bois de celui qui deviendra plus qu'un ami, un père spirituel : le peintre et Babalawo (prêtre du culte des Orishas) d'origine basque : Santiago Olazàbal . Ce petit homme brun, trappu, au regard sombre a été initié par sa mère à la religion d'origine Yoruba (territoire d'Afrique de l'Ouest qui regroupait les actuels Nigéria, Bénin et Togo) qui a traversé l'Atlantique dans les cales des navires esclavagistes.
Avec lui je découvre à bicyclette La Havane, ville surréaliste, magnifique et décatie, capitale caraïbe où se mêlent spiritualité africaine et matérialisme marxiste, créolité et pénurie, exubérance et fatalisme.
Je passe chaque jour devant le Buena Vista Social Club, ancien club du troisième âge du quartier, sans escompter sa future célébrité.
Je photographie, filme, enregistre frénétiquement tout ce qui passe à ma portée, prends le taxi collectif a 10 pesos pour me rendre dans Centro Habana et atterris immanquablement sur ce Malecon magique où tout havanais vient respirer chaque jour à pleins poumons la brise du large pour se laver l'esprit des tracas quotidiens.
Décembre 1998, Hugo Chavez est élu démocratiquement à la présidence vénézuelienne. Il met en place une révolution démocratique et pacifique, nationalise les ressources naturelles d'un pays deuxième exportateur mondial de pétrole au grand dam de la CIA qui tentera de le renverser par un coup d'état militaro-médiatique en avril 2002. Chavez tient bon, pactise avec Castro , Bush fulmine.
Non seulement la capitale cubaine ne connaitra plus de coupures de courant, mais pire encore une majorité de pays d'Amérique Latine ne croient plus aux valeurs ultra-libérales de l'oncle Sam.
Mai 2005, naissance de l' ALBA (l'aube en français, mais surtout l'ALternative Bolivarienne pour les Amériques) à La Havane. Ce nouvel accord socio-économique s'oppose à l'ALCA (mis en place par les Etats-Unis, fondé sur le libre-échange) et bientôt ce sont l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay, La Bolivie...qui y adhèrent.
Dix années se sont presque écoulées, la réalité du continent est loin d'être facile pour tous, les réformes difficiles à mettre en place, les réticences nombreuses, l'hombre de la CIA plane toujours partout, les classes populaires souffrent, mais chose nouvelle : espèrent.
ELECTRICIDAD DEL ALBA est un mix sonore accompagné d'une vidéo qui illustrent cette décennie havanaise, collages d'inspiration surréaliste, bidouillages mêlant cérémonies Santeras et bribes de discours, Drum & Bass et tambours Bata, bruits de la rue et sons électroniques, artistes de la nouvelle vague cubaine tels que Telmary et géniaux défunts.
Aché pa' todos, seguiremos pa' lante, siempre.