A benguer

"A benguer",expression familière, courante en Afrique de l’ouest, signifie « l’autre côté », l’ailleurs, et par extension, l’Europe. De là vient le nom du spectacle A Benguer qui traite d’une situation qui m’est familière et me tenait particulièrement à coeur ; l’immigration et la condition de la jeunesse africaine. L’immigration est au cœur de l’actualité. Tous les jours on nous montre des images de ces clandestins qui débarquent aux Îles Canaries dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, et des sans papiers rapatriés chaque jour en Afrique. Dans le spectacle "A benguer" le phénomène de l’immigration prend une forme humaine et émotionnelle. En effet la création s’inspire de la vie même de ses interprètes et de ceux qui les entourent : ceux qui sont confrontés à la dure réalité de la vie sociale, politique et économique du Burkina Faso et à la tentation de l’exil, et ceux qui, passés de l’autre côté, reviennent inlassablement au pays en entretenant parfois le mythe d’une Europe de rêve où la vie est facile et l’argent toujours à portée de main… La pièce est construite sur un mode poétique qui offre une danse très physique et engagée à laquelle le rap et les chants font écho sur des rythmes d’instruments traditionnels tels que la kora, la calebasse et l’arc à bouche. A benguer c’est aussi la volonté de susciter des interrogations sur les responsabilités politiques africaine et européenne quant à l’exode d’une partie de la jeunesse Africaine, à travers notamment les textes très poignants des raps du groupe Faso Kombat. La scénographie donne à voir deux mondes, l’Europe et l’Afrique, sur une même scène ; à la fois bar (« maquis »), salle d’attente ou encore frontière, barrière à franchir. Pour la création d’"A benguer" les interprètes se sont inspirés des écrits du professeur Joseph Ki Zerbo "À Quand l’Afrique", des films "Bako, l’autre rive" de Jacques Champreux, que j’ai vu pour la première fois à 15 ans et qui m’a marqué jusqu'à aujourd’hui, "Bronx Barbès", une fiction de Eliane de Latour tirée d’une réalité contemporaine des villes Africaine, et "Charter pour les étoiles" de Philipe Levasseur. "A benguer" c’est surtout la recherche d’une gestuelle contemporaine unique, à la fois ancrée dans ce qui fait l’essence de la danse africaine et ouverte sur le monde.Serge Aimé Coulibaly