AL ou le nonchalant blessé
Al – il en doute un peu trop à mon goût – est un grand auteur de chansons. Derrière des textes saturés de jeu de mots souvent pertinents et toujours bien sentis, se cache une profonde tendresse, une pudeur inaccessible, un désir de lumières qui, drapé dans de vagues remords, l’honore (Eléonore est un chef d’oeuvre). Pour l’auditeur attentif qui ne veut pas se contenter d’en rester à son admirable savoir faire verbal, il y a dans les chansons de Al, dans cette voix grave et quelquefois presque murmurée, un appel au charme, une vieille fatigue un peu nostalgique qui essuie quelques unes de nos petites douleurs lancinantes, quelques solitudes incomprises, avec pour seule éponge, l’humour, comme une excuse, un pansement indispensable, car ça fait du bien de rire. C’est pour cela sans doute que sur scène, Christian Pillemy, son complice musicien, surdoué et irrésistible, joue, en contre point et avec intelligence, le rôle indélicat de l’éléphant dans le magasin de porcelaine. Attachants et drôles, les deux compères rassemblent les deux visages d’une même écriture, avec cette douce folie qui fait tant de bien à nos doutes.
Bruno Ruiz