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Influences:Ivresse bateliere
mardi 31 janvier 2006
Clara Sermier chante Arthur Rimbaud
Renard (Paris)
Sa Suisse natale promettait sans doute a Clara Sermier d’autres ivresses que celle des departs au lointain, mais il faut toujours se mefier des faux placides et des continentaux trop bien enracines ! Car la belle a la fievre des escapades dans le sang, et malgre son elegance fluide et exquisement posee, elle vibre d’une insolence dansante qui confere aux mots de Rimbaud un somptueux eclat. En compagnie de Sylvain Griotto, trublion au piano fougueux, de Christophe Panzani aux saxophones et Guillaume Grosbard ou Jean-Philippe Audin au violoncelle, Clara Sermier offre un spectacle en dix-sept chansons ou gestes et paroles, musique et interpretation ressuscitent de maniere originale et authentique l’univers rimbaldien et « sa lyre au chant de fer ».
Comme une odeur baudelairienne de maison patinee et devote, quelques galets pour marquer la promesse des departs, du sable qui ne retient que les hieroglyphes des dessins maladroits et offre aux fuites maritimes l’assurance d’etre protegees par l’oubli de la maree : l’univers scenique invente par Catherine Pierre suggere d’emblee un Rimbaud reveur et adolescent, ecartele entre la flamme protectrice d’une scene accueillante et l’excitation mysterieuse de l’ailleurs.
D’ou viennent les mots et d’ou naissent les musiques ? Le mystere est d’emblee entretenu et Clara Sermier tarde malicieusement a apparaitre. Des voix off osent une interpretation espiegle et polychrome de Voyelles, dont le texte renforce les synesthesies qu’offre la mise en scene, et dont les paroles melees hesitent entre le sabbat et les jeux enfantins. Sans doute parce que quelque chose d’essentiellement rimbaldien se tient dans ce paradoxe etrange de l’absolue sincerite d’une enfance prete a tout gouter du monde alliee a une inclination provocatrice et narquoise aux diableries poetiques, syntaxiques et existentielles.
Clara Sermier, altiere et caressante, audacieuse et câline, porte en sa voix et en ses gestes ce meme paradoxe et evoque cette femme fantasque et ondoyante dont reve le poete. La voix est nuancee, l’interpretation se mefie des attentes et joue la surprise de texte en texte, faisant naitre a chaque fois un tableau inedit et original, de la poesie la plus fluide a la drolerie la plus decapante.
Sylvain Griotto signe une grande partie des musiques du spectacle. Le jeune homme, qui mene son piano comme un bateau ivre, le domptant pour mieux le laisser s’emballer, se faisant doux pour mieux le heurter, accompagne la chanteuse avec une fougue et une intelligence musicale peu communes. Utilisant des techniques musicales issues de la musique contemporaine dont il est familier (modes de jeu, quarts de tons, multiphoniques) et les melant au jeu traditionnel des instruments, il reussit a creer, avec les saxophones et le violoncelle de ses acolytes, un univers exigeant et inattendu, a la fois euphonique et deroutant, qui n’est pas sans rappeler l’effet meme de la poesie rimbaldienne.
Precis et precieux, inventif et petillant d’esprit, tendre et revolte, ce spectacle est un des plus jolis hommages qui soient au genie creatif et a la fascinante fulgurance d’Arthur Rimbaud.
Catherine Robert
Record Label: unsigned
Type of Label: Indie