[…] il n'existe pas deux sortes d'histoire; je n'en connais qu'une: I' histoire objective, véridique. Et, pour ma part, à quelques messieurs de l'université (aujourd'hui disparus) qui voulaient me forcer à écrire de l'Histoire officielle et qui me donnaient à choisir entre ma chaire d’université et ma liberté, j'ai dit, dans le temps, que je choisirais ma liberté. L'Histoire, instrument de propagande - ou l'Histoire officielle, ce qui revient au même - c'est la négation même de l'Histoire. Je ne connais que l'Histoire qui dit, non pas ce qui aurait pu être, mais ce qui a été, rien que ce qui a été, mais tout ce qui a été; l'histoire qui dit bien qui est bien, qui dit mal ce qui est mal; qui tient compte, assurément, des idées de chaque époque, de l'ambiance des personnes et des faits voire des aspects accidentels de la morale, mais qui ne se connaît pas le droit d'altérer en rien la vérité, encore moins de tout absoudre, parce qu'il y aurait la morale des vainqueurs et des forts, la morale de amoraux et la morale des immoraux. [...] Elle ne ferait pas l'affaire, je le veux bien, des politiciens, entrepreneurs d'union nationale à tout prix, non plus que des partisans plus ou moins conscients du melting-pot ; elle aurait l'inappréciable avantage de ne pas enseigner le mensonge et de ne pas saboter le passé.
LIONEL GROULX
29 novembre 1943