Il est né à la Dominique, dans un village du nom de Saint-Joseph. Et du plus loin qu’il s’en souvienne il a toujours aimé bouger, danser et surtout chanter. Sa maman Sylma se souvient : « Jeff est l’ainé de mes cinq enfants. Je l’ai toujours entendu chantonner, toujours, quelque soit son humeur du moment. Il reprenait des chansons que diffusait la radio ou en inventait quelques-unes ».
La musique ? Jeff dit qu’elle l’habite depuis l’enfance. C’est sa manière de dire ses émotions, et de les partager. Une façon aussi d’enjoliver la vie, la sienne comme celle des autres…
C’est ainsi qu’à l’âge de douze ans, il commence ses premières prestations publiques en s’inscrivant dans une compétition de carnaval qu’il remportera l’année suivante, avec une bande d’amis qui l’accompagnait au steel-band.Une étoile du calypso est née, mais maman Sylma veille et tient à ce que les études soient menées à terme avant toute escapade musicale. C’est chose faite en 1972 ou avec quelques potes musiciens de son école Grammacks School et ceux de l’Academy School. Jeff fonde le groupe « Grammacks » qui sillonne la Dominique de bout en bout, de bals populaires en fêtes communes.
Comme ses illustres ainés en variétés, les Ophélia et Gordon Henderson, Jeff fera mentir le proverbe qui dit qu’on n’est jamais maître chez soi.La Dominique ne rate aucun de ses rendez-vous, pour danser et chalouper à satiété.
Mais l’envie de voir d’autres horizons, d’autres publics, de se confronter à d’autres cultures, de s’ouvrir d’autres marchés pousse le groupe à se rendre dans l’ile voisine, la Guadeloupe. La rencontre en studio avec Henri Debs sera déterminante et bénéfique pour les Grammacks.
Dès leur première collaboration, ils signent ensemble « Soucougnan », un titre qui devient très vite un tube rythmé par un calypso torride sur un texte qui image une vieille superstition locale…
Jeff Joseph devient, avec un sillon, le roi du KGV, soit dit Kalypso à Grande Vitesse.
S’enchaînent une cascade de succès, de hits, des prestations aux quatre coins de la Caraïbe et de le France, avec un morceau mémorable comme « pa dansé an ba koko sek ». Puis, au sein de 3A, l’écurie de Jacky Nayaradou (en Martinique), Jeff compose ce qui deviendra ses titres-phares. Il impose sa griffe, celle s’un style harmonique qui n’appartient qu’à lui, un son « Karibean Rock » hyper remuant, avec un groove saturé. C’est une alliance de cadence et de calypso, la cadence lypso qui lui permettra de séduire et de conquérir les publics les plus hétéroclites.
Parmi ses compositions qui n’ont pas pris une ride mélodique citons : Misik dou it, Mi déba, Ou pas bon, Côchema, Pawol en bouch…Dès les premières notes, ses cousins des Antilles, de la Caraïbe, des USA (New-York et Miami), de Hollande, de France (avec un tour de France en première partie d’Annie Cordy et des concerts sous l’égide de France Inter) succombent sous la fièvre de ses tempos. Son répertoire s’enrichit de bouyon, de reggae, de merengue, de soca entres autres. Sur scène, ce qui fascine, c’est la prodigieuse énergie de Jeff, leader charismatique, interprète fougueux. Tout au long d’un concert, Jeff reste en contact permanent avec son public qu’il électrise à sa guise. Il ne s’économise jamais, se donne sans compter, passant sans répit d’un bout à l’autre des plateaux avec un certain bonheur communicatif. Des trophées SACEM et autres distinctions honorables (dont la médaille de la Fête de l’Indépendance de la Dominique…) viendront couronner son talent...
Mais un jour de l’année 1985, fatigués de parcourir le monde, les musiciens décident de rentrer au bercail ou de s’installer aux Etats-Unis, et de fonder une famille. Pour Jeff, l’aventure musicale ne pouvant s’achever, c’est l’aventure en solo…
A New York ou il réside, Jeff rencontre le groupe « Kool of the gang » avec lequel il sort en 1988, un sillon de deux sonorités « world music », « Banana sweet » et « One, two, three », dont le clip tourné en Angleterre est l’un des plus soignés réalisés par un artiste de la Caraibe.
Et puis, arrive "Volte-Face" avec Georges Decimus (bassiste et faiseur de tubes aux disques d’or pour Kassav), avec le lutin Dominique Panol avec la « zoukeuse-light » Katryn Thélamon et la voix ka-roots de Dominique Coco. Pendant cinq ans, Volte-Face, groupe éclectique et électrique parcourt le globe, semant aux quatre vents, sa rythmique caribéenne nourrie de zouk (chiré, lové…) de bouyon, de cadence-lypso, de funk, de gwo-ka.
Volte-face désormais éteint, il nous reste en souvenir, 5 albums et 1 album live qui relatent leurs prestations entre frissons, passions et émois.La collaboration essentielle de Jeff Joseph au sein de « Volte-Face », notamment sur les plateaux, incite le public à lui réclamer un retour des Grammacks.
Ils sont nombreux à vouloir se replonger dans un bain de nostalgie, dans un tourbillon de liesse, d’allégresse avec Jeff en meneur de jeu. En 1997, Jeff obtempère. Et avec de jeunes musiciens férus de son répertoire, il crée « Grammacks New Generation ».
La formation est l’invitée régulière du Festival Kreol de la Dominique et de temps à autre se rend au Festival de jazz de Sainte-Lucie et de Saint-Martin.
Qu’en est-il aujourd’hui de Jeff Joseph et de sa cadence-lypso ? Deux albums avec « Grammacks New Generation » et un opus en solo fraîchement sorti témoignent de son éternelle vivacité...Le chanteur a gardé sa verve, son sens du rythme, son allant, son punch et sa capacité phénoménale à soulever les foules. Pour Jeff Joseph, la musique est un plaisir, le public un ami fidèle avec lequel il aime à partager et échanger.