A propos du concept « Extreme Cherokee » (der Extreme Cherokee Begriff)
Encore maintenu à l’heure actuelle dans un état de relatif anonymat et n’ayant obtenu la reconnaissance qu’au sein des cénacles les plus avant-gardistes, notamment en raison de sa démarche éminemment intègre et allant résolument à contre-courant qui, aux conformismes faciles, lui fait préférer l’audace et l’innovation, la formation musicale « Extreme Cherokee », soutenue par une poignée d’admirateurs éclairés au fait de la démarche à la fois personnelle et inédite de ce quartet, s’apprête à opérer une véritable révolution – qui s’annonce déjà comme vouée à dépasser les limites étroites du seul paysage musical. Tandis que l’étiquette, définitivement réductrice, de « rock music » se trouve délaissée – voire dépréciée – par ces authentiques visionnaires, l’élan créateur animant ces artistes hors du commun nous introduit d’emblée à une expérience (Erfahrung) unique en son genre : celle de l’invalidation de toute taxinomie préétablie, et, de manière générale, l’anéantissement de toutes nos velléités classificatrices. C’est donc par cette voie, celle d’un esseulement, d’une retraite intérieure quasi mystique, qu’ils poursuivent leur quête des valeurs essentielles, et proposent aujourd’hui cette --uvre – magistrale – réunissant ensemble neuf approches, neuf variations qui s’apparentent à autant de facettes indissociables d’une réalité unique, dont elles seraient comme autant d’expressions (« représentations ou scénographies différentes de la même ville vue de différents points »). Ce chiffre lui-même – le neuf – n’est pas le fruit du hasard, mais est celui-là même qui symbolise au mieux cette harmonie secrète entre ces différents points de vue – rien dans leur démarche n’échappant à la nécessité véritable. Neuf n’est-il pas d’ailleurs le nombre des Muses, nombre qu’Orphée, celui qui par ses chants charme dieux et mortels, apprivoise les fauves et apaise ainsi Cerbère, qui parvient même à émouvoir les pierres, retiendra en créant la cithare, par l’adjonction de deux cordes supplémentaires aux sept que comportait déjà la lyre apollinienne ? Dans cette pièce majeure que nous propose ici « Extreme Cherokee » (ne parlons surtout pas de « concept album » à son égard, formule indigeste dont la seule évocation suffit pour susciter la nausée et le dégoût chez ces authentiques esthètes), chaque composante ne revêt son sens évocateur qu’en vertu de sa relation au Tout (to holon). C’est bien cette dimension holistique qu’il convient de ne pas négliger en l’abordant, écueil majeur auquel nous vous invitons à prendre garde. Leur pro-jet n’usurpe pas, par ailleurs, ce qualificatif de « révolutionnaire », puisqu’il aura en effet pour fin essentielle l’avènement d’un nouveau schème conceptuel, d’une nouvelle vision-du-monde (Weltanschauung), paradigmatique, où Art et Vie, bien loin de demeurer dans ce perpétuel face à face, seront enfin invités à fusionner dans un cours commun pour former cet Art Monumental, depuis toujours poursuivi, mais jamais encore réalisé.