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Jeanne Balibar

About Me

« Je rêvais d’un disque aux allures légères, de divans profonds comme des garçonnières, d’étranges fleurs, d’étagères, j’étais d’humeur à lire Baudelaire, donc ce fut tout naturel, je m’en allais voir Fred Poulet pour en causer. On s’est assis dans son salon bleu avec Sarah Murcia, je lui ai montré des bribes de cahier, tous les trois on a causé. De la simplicité, des consonnes d’Elvis Presley, de Talk Talk, de Rose Murphy, de guitare, de sports d’hiver, de voyages, d’une espèce de détachement poudreux, idéal qu’ensemble chacun de notre côté, on avait de plus en plus envie de viser, des jeux de mots, de leur séduction, de leurs pièges, de l’amour et de bien d’autres choses encore. Quelque part dans mon cahier un bout de phrase qui traînait, « sex and vegetables », au milieu d’une énumération aujourd’hui entièrement oubliée. Bon, l’idée c’était de rêver à tout ça, de lancer quelques pistes et d’y revenir passé l’hiver, on était en septembre. Et puis Fred et Sarah sont partis une semaine en voyage, et ont écrit une chanson par jour. On était toujours en septembre.
C’en était fini des concerts de rodage, j’avais enfin compris que la scène n’est pas la même selon qu’on y joue la comédie ou qu’on y chante, on avait fait pas mal de dates Rodolphe Burger, le Meteor Band et moi, on était au Trabendo à Paris, on se sentait bien, on était heureux et dans la salle il y avait Dominique A. C’était après qu’on s’était rencontré lui et moi pour une sorte de performance à deux à Manosque, c’était après qu’on avait parlé toute la nuit et qu’il m’avait raconté son voyage au Groënland, est-ce que c’était avant Ste-Marie-aux-Mines? C’ était en juin, c’était avant septembre. Au café porte de la Villette, on boit des coups jusqu’à pas d’heure, Dominique dit « est-ce que tu vas refaire un disque ? je veux t’écrire une chanson ». Plus tard j’ai appris qu’en fait il avait un peu commencé à l’écrire pendant le concert lui-même, c’était Rouvrir mais cette chanson là, sublime, finalement il l’a gardée pour lui, elle est sur l’album L’Horizon, et si ce n’est déjà fait il faut courir l’écouter. Plus tard (en novembre ?) il m’ a donné L’Irréparable qu’il avait écrite pour lui-même et comme je suis contente qu’elle soit dans mon album et pas dans le sien, il m’a fait écouter Néologie qu’il avait écrite pour Rodolphe et pour moi. « Des fois je dis des mots que je ne connais pas, mais ma langue est lancée et elle fait du slalom… ». Encore Slalom, Slalom déjà dans Christiana écrite par Fred, « No one knows, She comes and goes » chante Mick Jagger dans Ruby Tuesday, celle que j’ai toujours voulu être: « Who could hang a name on you, when you change with every new day, still i’m gonna miss you ».
C’était l’hiver d’avant, on était sur la route. Dans le camion on n’avait d’yeux que pour Dave Gahan en DVD mais ça c’est autre chose, et on écoutait en boucle Psychic Lyrica, M83, Zenzile, Ezechiel et Abstrakt Keal Agram. Rodolphe les connaît les Abstrakt, Tanguy et le Panda, parce qu’il joue parfois avec eux, un jour je les rencontre, je fais ni une ni deux, je leur demande si un jour ils m’écriraient quelque chose, ils sont de Morlaix. Alors en Octobre on part en résidence à Morlaix, au Coatëlan . Au Coatëlan chez Ghislaine, au bord de l’ancienne voie ferrée, sur la butte tout en haut, au milieu de nulle part, c’est le centre du monde. Le week-end c’est une boîte de nuit, et souvent il y a des concerts. Noir Désir y passait tous les ans, des Lounge Lizards à Théo Hakola innombrables sont ceux qui y ont joué, même si la scène fait deux mètres carrés. Nous aussi on y avait joué entre le Vauban à Brest et l’Ubu à Rennes, et ça avait été merveilleux parce qu’avec Ghislaine tout est merveilleux. Et là encore, dans la salle noire et déserte juste ouverte au fond sur trois vaches et des kilos de mûres sauvages, on est incroyablement bien. On écrit Alice, j’y mets des comptines anglaises de mon enfance, plus tard Paul Kendall supporter d’Arsenal et réalisateur de tant d’albums de Depeche Mode, me les fera chanter à pleine voix et je me dirai « sans mentir comme ça ça ressemble à du Leonard Cohen ». Ce qui vous passe par la tête des fois…
C’était toujours. Il y avait Rodolphe et Pierre Alferi. On ne se quittait jamais. On causait de ce qui était en cours. On allait à La Ferme, le studio où on avait enregistré Paramour. C’était toujours, on rejouait des vieux trucs, des machins qu’on faisait en rappel, pour voir si on ne pourrait pas en faire quelque chose et d’ailleurs on n’en a rien fait. Il y avait plein de textes de Pierre qui traînaient, les uns pour moi les autres pour Rodolphe, on essayait tout, Rodolphe a oublié que Rattlesnakin’ Daddy c’était pour lui, loyale je le lui rappelle, oh comme j’en m’en mords les doigts en entendant le morceau se construire au fur et à mesure, bah il faudra attendre son nouveau disque pour l’entendre. Et moi j’ai Ton Diable et Cinéma donc je n’ai pas à me plaindre. C’était toujours et c’était partout, à Paris, à Tokyo, à Bruxelles, à Londres et je pense à toutes ces chansons de ville que Fred m’a écrites. « Tu vois tout ce que ma voix te chante, il était une fois voilà tout, ce que ma voix t’envoie dans une ville deux fois … Te voir écouter ma voix voilà, ce que dit ma voix chantée pour toi, il était encore une fois toi et moi. ». J’avais pensé à un disque où il y aurait moins de chansons d’amour, mais c’est toujours par amour. C’était tellement toujours et c’est tellement magique La Ferme qu’on a fini par y enregistrer la quasi-totalité de cet album-là aussi.
Voilà comme le temps passe vite. On est là ou ailleurs, on rigole et on pleure, on aime d’amour ses amis et parfois tout d’un coup d’amitié ses amours, on se rêve comme ci ou comme ça, on se rêve ici ou là, on essaye d’en faire des mots à chanter, ou bien on vous les offre, on rêve à ce que c’est que les mots, à leurs jeux, à leurs séductions, à leurs pièges, aux sons qui leur répondent, aux consonnes, aux voyelles, aux guitares, et un jour (c’était en Mars ?) on se retrouve au LaboM chez Mathieu Chédid à commencer à enregistrer douze chansons qui font un disque. Déjà ? Comme c’est étrange… ».
Jeanne Balibar

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Posted by Jeanne Balibar on Thu, 10 May 2007 03:24:00 PST

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blurb!
Posted by Jeanne Balibar on Tue, 13 Mar 2007 08:58:00 PST