« On ne sait jamais pourquoi un jeune homme veut devenir chanteur. Après tout, ce n’est même pas un métier ; à peine une occupation ; tout au plus, une profession de foi. Certains rêvent de gloire et d’argent, d’autres d’éternité et de paillettes. On en connaît aussi qui se contentent de roucouler pour plaire aux filles et ce ne sont pas les pires.
Frédéric Lutaud est un type bizarre, il n’est rien de tout ça et pourrait prétendre à tout ça, à mieux que ça même. Il chante parce que c’est la meilleure façon de respirer, de croiser ceux qu’on aime, de leur dire des trucs légers par politesse, d’être mal poli sans se faire engueuler, de se sentir seul sans être désespéré. Frédéric Lutaud doit se méfier, il risque de décrocher la gloire, l’argent, l’éternité et les paillettes. Sans oublier les filles. C’est très important les filles pour un chanteur.
Bien entendu, on pourrait se laisser aller au petit jeu toujours ridicule des références. On pourrait évoquer certains maîtres qu’il ne renierait sûrement pas. Un éternel sourire au coin des lèvres, une silhouette d’échassier noctambule, une truculence roublarde nous feraient facilement penser à Charles Trénet, Boris Vian ou Bobby Lapointe. Mais on pense toujours mal quand il s’agit d’évoquer le poids des anciens.
Frédéric Lutaud chante simplement parce que nous sommes trop nombreux à déchanter face aux mauvais coups du sort. Il ne fait pas semblant de vivre et ça s’entend. Il suffit seulement d’ouvrir ses oreilles.» Noël Balen